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RÉCIT DE VOYAGE, RELATION, REPORTAGE

Informations.
  1. Temps et lieux.
  2. Auteurs et oeuvres.
  3. Définition et fonction dans la société.
  4. Origines et postérité.
  5. Bibliographie.
Extraits. De leurs festins.
Voyage au Congo.
Magnitogorsk, prisonnière de l'acier.
Procédés typiques. Ingrédients.

1. Temps et lieux.

Début. Ve siècle av. J.-C.
Fin. Pratiqué encore aujourd'hui.
Lieux. Égypte, Grèce, Chine, Arabie, Espagne, Italie, Portugal, France, Angleterre, etc.

2. Auteurs et oeuvres.

Hérodote (v.-484 à v.-425, historien grec), Histoires; Xénophon (v.-430 à v.-355, historien grec), Anabase.
Pythéas (-IVe siècle, navigateur grec), Description de l'océan.
Néarque (-IVe siècle, navigateur grec), Périple.
Arrien (v.95-v.175, historien grec), Anabase.
Fa Hsien (IVe siècle, religieux bouddhiste chinois).
Arculf (VIIe siècle, évêque franc).
Ibn Fadlan (Xe siècle, voyageur arabe d'Iraq), Risala.
Ibn Hauqal (Xe siècle, voyageur arabe), les Routes et les royaumes.
Benjamin de Tudela (XIIe siècle, voyageur et rabbin), Excursions.
Ibn Jubayr (1145-1217, voyageur arabe d'Espagne).
Marco Polo (v.1254-1324, voyageur italien), le Devisement du monde.
Ibn Battuta (1304-1377, historien arabe), Rihla.
H. Cortès (1485-1547, conquistador espagnol), la Conquête du Mexique.
Antonio Pigafetta (v.1491-v.1534, navigateur italien), le Premier Voyage autour du monde par Magellan.
Jacques Cartier (1494-v.1554, navigateur français), Voyages au Canada.
Fernando Mendez Pinto (1510-1583, voyageur portugais), Voyages aventureux.
Père Louis Froës (?-?), Lettres du Japon.
Montaigne (1533-1592), Journal de voyage en Italie par la Suisse et l'Allemagne.
Jean de Léry (v.1534-v.1613, voyageur français), Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil.
Paul Le Jeune (1592-1664, missionnaire français), Relation de 1634.
Jean Chardin (1643-1713, voyageur français), Voyages en Perse et aux Indes orientales.
Claude Forbin (1656-1733, marin français), Mémoires.
Dom Pernety (?-?), Histoire d'un voyage aux isles malouines.
l'abbé Prévost (1697-1763, romancier), Histoire des voyages, recueil de récits de voyage de différents auteurs.
Laurence Sterne (1713-1768, romancier anglais), Voyage sentimental en France et en Italie.
Denis Diderot (1713-1784), Voyage en Hollande.
Casanova (1725-1798, mémorialiste italien d'expression française), Mémoires.
James Cook (1728-1779, navigateur anglais), Voyage autour du monde.
Bougainville (1729-1811, navigateur français), Voyage autour du monde.
La Pérouse (1741-1788, navigateur français), Voyage autour du monde.
Vivant Denon (1747-1825, diplomate français), Voyage dans la haute et basse Égypte.
comte de Volney (1757-1820), Voyage en Égypte et en Syrie.
Chateaubriand (1768-1848), Itinéraire de Paris à Jérusalem.
Stendhal (1783-1842), Mémoires d'un touriste.
Le baron Taylor (1789-1879, écrivain français), Voyages pittoresques et romantiques de l'ancienne France.
Alexandre Dumas (1802-1870), Impressions de voyage.
Victor Hugo (1802-1885), le Rhin. Lettres à un ami.
George Sand (1804-1876), Lettres d'un voyageur.
Tocqueville (1805-1859, historien français), la Démocratie en Amérique.
Gérard de Nerval (1808-1855), Voyage en Orient.
Charles Darwin (1809-1882, naturaliste anglais), Voyage d'un naturaliste.
Comte de Gobineau (1816-1882, écrivain français), Trois ans en Asie.
Gustave Flaubert (1821-1880) et Maxime Du Camp (1822-1894, écrivain et voyageur français), Par les champs et par les grèves.
André Suarès (1868-1948, écrivain français), Voyage du condottiere.
André Gide (1869-1951) Voyage au Congo.
Blaise Cendrars (1887-1961), Rhum.
Henri Michaux (1899-1984, poète), Un barbare en Asie.
Alain Grandbois (1900-1975, écrivain québécois), Visages du monde.
Michel Leiris (1901-1990, ethnologue et écrivain), l'Afrique fantôme.
Claude Lévi-Strauss (1908-, ethnologue), Tristes tropiques.
Xavier Marmier (?-?, journaliste).
Michel Butor (1926-), le Génie du lieu.

3. Définition et fonction dans la société.

Relation et récit de voyage.
C'est un texte dans lequel l'auteur raconte ce qu'il a vu dans un autre pays. Ce qui le distingue d'emblée des autres types de récit, c'est le rapport particulier qu'il entretient avec son objet. En effet, il n'existe qu'en fonction du voyage, c'est le voyage qui le fonde, qui lui donne sa raison d'être. Contrairement au roman qui forme un univers clos, autonome, à l'abri des aléas du réel, le récit de voyage est ouvert sur le monde extérieur et soumis à ses règles; le réel a priorité sur la fiction. Le récit de voyage s'élabore en deux temps: il y a d'abord le voyage, où l'auteur du récit à venir entre en contact avec des réalités nouvelles, les découvre et les explore (le récit de voyage est lié à l'inconnu, à l'étranger, à l'inédit); ensuite, il y a le récit, où l'auteur raconte les événements qui ont eu lieu durant son périple, fait un compte rendu de ses explorations, rapporte ses découvertes, bref cherche à faire voir ce qu'il a vu.

Le récit de voyage témoigne donc d'un souci de vérité. Ce qui est dit doit être fidèle à ce qui a été vu, le locuteur doit rendre compte de ses découvertes avec la plus grande exactitude. Cela implique que la subjectivité demeure en retrait: les sentiments ou les opinions du locuteur doivent s'effacer autant que possible devant l'observation de la réalité. Le discours du récit de voyage se veut donc objectif et transparent: ce qui est visé, c'est la parfaite concordance des mots et des choses vues.

Si la vérité a cette importance dans le récit de voyage, c'est parce qu'il doit être utile. Le roman est gratuit puisque rien ne le justifie à première vue et qu'il ne s'adresse à personne; le récit de voyage, au contraire, a un but didactique: il veut apprendre quelque chose à quelqu'un. À l'exception de certains types de récits de voyage (comme la relation de missionnaire où le destinataire, un supérieur, est clairement indiqué; voir texte de Le Jeune), la plupart du temps la présence du destinataire est implicite. On comprend par exemple que Jacques Cartier, quand il note ses observations dans son journal de bord, s'adresse aux Français ou aux Européens en général. Le public visé par le récit de voyage appartient à la même culture que l'auteur de ce récit. L'auteur peut donc se mettre aisément à la place de son lecteur, d'où une grande complicité entre les deux.

Pour atteindre son double objectif de vérité et d'utilité, le locuteur a recours à plusieurs procédés. Le plus fréquent et le plus efficace, c'est la description (de paysages, de coutumes, d'objets, etc.). Loin d'être secondaire ou simplement divertissante comme dans le roman, la description dans le récit de voyage joue un rôle essentiel: elle permet au voyageur de rendre compte de ses observations et ainsi de transmettre son savoir au lecteur. Dans certaines relations, il arrive qu'elle prenne toute la place. Mais la description ne va pas de soi. D'abord, parce que la réalité à décrire est nouvelle, étrangère, et que nommer ce qu'on ne connaît pas n'est pas une tâche facile. Le locuteur ne peut parler qu'à partir de sa connaissance du monde. Par conséquent, pour décrire des réalités nouvelles (le voyageur est toujours confronté à la nouveauté, il explore le Nouveau Monde, la Nouvelle France, etc.), le locuteur fait souvent des rapprochements avec les réalités que lui et ses lecteurs connaissent. D'où l'utilisation courante de la comparaison; on ramène l'inconnu à du connu. Le discours du voyageur reconstruit, transforme en quelque sorte le monde dont il parle. Le voyageur voit le référent nouveau à travers le prisme de sa culture, de ses connaissances. Donc le récit de voyage ne peut pas être absolument objectif et transparent: il comporte toujours une part de subjectivité.

L'autre difficulté que comporte la description, c'est qu'elle est parfois difficile à insérer dans un récit. Celui-ci suit le déroulement du voyage, souvent au jour le jour; l'ordre du récit coïncide presque toujours avec l'ordre des événements (donc ordre chronologique). La logique du récit repose sur celle du voyage; c'est la suite des événements qui lui donne une cohérence. La durée, qu'implique nécéssairement le voyage, est inscrite dans le récit (les indications temporelles, comme les indications spatiales, sont abondantes). Mais le but premier du récit de voyage, c'est avant tout d'instruire, de donner des informations, de transmettre du savoir au lecteur. Et cela passe surtout par la description. Il y a donc une sorte de conflit entre le récit des événements du voyage et la description: celle-ci interrompt le récit dans son déroulement, et le passage du mode narratif au mode descriptif est souvent abrupt. Dans le récit de voyage, c'est la narration qui est au service de la description, contrairement à ce qui se produit dans les récits de fiction. Le récit de voyage utilise toutes les ressources de la narration. Il faut que le récit soit vivant, coloré, tout en demeurant foncièrement didactique. Il est à la fois un document sérieux et un texte divertissant. Même si le but premier du récit de voyage est d'instruire, on le lit souvent pour s'évader, par goût de l'exotisme, de l'aventure. On pourrait le classer dans la catégorie "Littérature d'évasion".

Le récit de voyage est un genre polymorphe. Il peut prendre diverses formes: journal intime (ex. Montaigne), carnets de route (ex. Gide), autobiographie (ex. Chateaubriand), discours épistolaire (ex. Victor Hugo), essai (ex. Lévi-Strauss), etc. Un même récit de voyage peut mêler toutes sortes de discours: géographie, politique, histoire, linguistique, ethnologie, etc. C'est donc une sorte de collage de genres. Les gens qui le pratiquent Viennent de tous les domaines: il y a des missionnaires, des navigateurs, des écrivains, des scientifiques, des historiens, etc. Le récit de voyage n'est pas une spécialité et ne comporte pas de règles strictes, mise à part celle d'instruire les lecteurs.

La pratique du récit de voyage s'est répandue surtout à partir de l'époque des Grandes Découvertes (dans les périodes de l'Histoire où le voyage n'était pas encouragé, où il n'apparaissait pas comme une nécessité, les récits de voyage étaient évidemment très rares; ex.: la période qui a suivi la Chute de l'Empire romain d'Occident). Ce genre dépend directement de causes extérieures (politique, économie, etc.). Il s'épanouit dans les sociétés ouvertes (et non repliées sur elles-mêmes) qui valorisent le voyage, la curiosité, l'Étranger.

Le grand reportage.
C'est une sorte de dérivé du récit de voyage. Le but est le même, mais la forme et le contenu sont un peu différents. Comme il prend place dans un journal ou une revue, il est plus concis, plus "ramassé". Alors que le récit de voyage développe beaucoup, propose des descriptions détaillées, rapporte tout ce qui a été vu, le reportage fait une synthèse des observations et des événements, il organise tous les éléments pour en dégager une signification globale. Il retient seulement les éléments importants, les faits qui sont significatifs. Le reportage est à la fois un compte rendu, un témoignage et une analyse de faits; il décrit et explique. Il a une cohérence propre (introduction, développement, conclusion), il est un peu plus détaché des faits que le récit de voyage, qui est collé sur la réalité.

Le reportage est en général plus objectif que le récit de voyage: le journaliste doit être à tout prix neutre dans la relation et le commentaire d'événements. Le reportage n'est pas seulement le fruit d'observations faites pendant un voyage, mais aussi le résultat de recherches, d'enquêtes, d'entrevues, etc. D'où la présence de statistiques, de citations, de rappels historiques, etc. Le reportage est moins naïf que le récit de voyage, moins démuni que lui devant la réalité à décrire.

Comme le récit de voyage, il est un collage de plusieurs genres: récit, analyse politique, compte rendu, etc. Le style est vivant (métaphores, humour, etc.) et clair pour garder l'attention du lecteur.

Le reportage s'est développé d'adord aux États-Unis durant la guerre de Sécession. Il s'est répendu peu à peu par la suite dans le reste du monde. Maintenant il est le genre journalistique le plus populaire auprès du grand public auquel il s'adresse: le dépaysement qu'il propose explique sans doute cette faveur dont il jouit.

4. Origines et postérité.

Origines.
- L'épopée, qui racontait souvent l'histoire de voyages héroïques (voir l'Odyssée d'Homère).
- L'essai, pour son contenu didactique.

Postérité.
Le guide touristique. L'intérêt pour les voyages est très fort aujourd'hui. Mais il n'y a plus de mondes inconnus, plus de pays nouveaux à découvrir. Le rapport à l'étranger n'est plus "naïf", "innocent".

5. Bibliographie.

BOUCHER, Jean-Dominique, le Reportage écrit, Paris, Éditions du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes, 1993, 127p. Écrire le voyage, textes réunis par György Tverdota, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 1994, 272p.
Encyclopeadia Universalis, articles Récit de voyage et Reportage.
GAILLARD, Philippe, Technique du jounalisme, PUF, Paris 1975, 128p.
GUÉRET-LAFERTÉ, Michèle, Sur les routes de l'Empire mongol: ordre et rhétorique des relations de voyage aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, H. Champion, 1994, 435p.
LEFEBVRE, Hélène, le Voyage, Paris, Bordas, 1989, 142p.
LE HUENEN, Roland, "Qu'est-ce qu'un récit de voyage?", Littérales, no 7, 1990, pp.11-25.
MARTIN-LAGARDETTE, Jean-Luc, les Secrets de l'écriture jounalistique, Paris, Syros Alternatives, 1987, pp.91-95. Métamorphoses du récit de voyage, textes recueillis par François Moureau, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1986, 173p.
PASQUALI, Adrien, le Tour des horizons:critique et récits de voyage, Paris, Klincksieck, 1994, 179p. VOIROL, Michel, Guide de la rédaction, Les Guides du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes, Paris, 1992, 109p.
WETZEL, Andreas, Partir sans partir: le récit de voyage littéraire au XIXe siècle, Toronto, Paratexte, 1992, 212p.
Le Tour de France des écrivains, présenté par Louis Nucéra, Paris, L'Archipel, 1993, 236p.

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