Module 14. Les Genres normatifs. 49 interactions. 33 QCM.

Il y a une catégorie de genres dont l'utilisation dans la société est sans doute surpassée par la littérature proprement dite (qui donne toute la place aux choix du sujet individuel) mais qui surpasse ce qui est didactique (enseignement et recherche), car elle inclut davantage la dimension sociale. La morale n'est-elle pas l'ensemble des règles de comportement établies -- diversement selon les groupes historiques -- par les «mœurs et coutumes»? On trouve ici des genres qui règlent la langue, l'action des assemblées, la politique, les lois, la conduite et la religion.

La littérature fait un large usage de tous les genres de texte, à commencer par ceux des autres genres : les genres spontanés, les genres pratiques et les genres didactiques, dont il a été question plus haut. Avant d'aborder les genres proprement littéraires, poésie, théâtre, roman, il faut se demander si les textes ne peuvent avoir d'autres fonctions que celles d'exprimer ou de communiquer, d'enseigner ou de créer. Quelle serait la fonction des genres normatifs?
Réaction 1


Représenter une certaine conception de la valeur, et imposer cette conception à des groupes, dans la société. On regroupe comme normatifs des genres - de type religieux, moral ou juridique - centrés sur des normes, c'est-à-dire des ensembles de règles, fixées a priori - collectivement ou individuellement.

Quels exemples pourriez-vous donner de types de textes qui seraient normatifs?
Réaction 2


Ce sont d'abord les textes qui favorisent la diffusion des religions : cosmologie, allégorie, cérémonie sacrée, prière publique, homélie, «exemplum», conte dévot, mystère, auto sacramental, «moralité», voeu, profession de foi. Plus abstraitement, la morale se diffuse à coup de proverbe, de précepte, d'exhortation morale (parénèse), voire de «roman à thèse». Mais c'est en politique que les normes s'établissent et s'imposent de nos jours de la façon la plus variée. Déclaration et proclamation, avis à la population et hymne national, discours politique ou électoral, énoncé de principe et directive, plan d'action et ordre de mission, loi et règlement, commandement, procédure, étiquette de cour, protocole, charte des droits, sentence et jurisprudence...

Ces divers types de documents sont-ils en rapport avec la norme de la même façon? Quelles opérations pouvez-vous identifier, dans leur environnement, en relation avec l'idée de normalité (dans les deux acceptions du terme : «ce qui est couramment admis» ou «règle idéale pour toute une société»)? Que fait-on à l'aide de tels textes?
«À cheval donné, il ne faut pas regarder les dents.» Ce proverbe permet de _____.
1 porter un jugement moral
2 valoriser une conduite
3 défendre une stratégie
4 modérer une discussion de groupe
Réaction 3


Diverses activités aboutissent ou partent de ces documents : proposer une façon de concevoir la vérité, élaborer ou fixer une doctrine, établir des formes juridiques (ex.: la mainmise est, en droit romain, une marque de la possession), élaborer des statuts (pour les sociétés), assumer des responsabilités, suivre des politiques, faire montre d'autorité, déterminer des procédures, créer des fonctions et des postes, réunir des assemblées, nommer des préposés, faire des agendas, rédiger des avis, faire appliquer le règlement, animer des groupes, modérer des débats, etc.

Pensez-vous que cet ensemble ait une certaine cohérence? Pourrait-on le ramener à une fonction unique? En se plaçant du point de vue de ceux qui en «bénéficient», peut-être?
Malgré l'alerte météorologique, la directrice d'un centre d'emploi subventionné maintient ses bureaux ouverts. Il ne vient aucun demandeur d'emploi mais les employés qui n'ont pu se présenter devront perdre une journée de congé statutaire.
1 Mesure purement vexatoire.
2 Attitude hautement morale puisqu'elle s'appuie sur le règlement pour défendre les intérêts de l'État.
3 Zèle intempestif.
4 Méconnaissance de la puissance syndicale.
Réaction 4


Ce qui distingue des autres les genres normatifs, à savoir la norme, s'oppose à la liberté individuelle au nom des besoins de la collectivité. On peut ajouter qu'elle le fait de telle sorte qu'il s'agit moins, parfois, de se sacrifier à la norme du bien commun que d'obliger les autres à le faire, voire de leur imposer sa propre vision du bien (soit dit en passant, comme c'est parfois pour un profit personnel, c'est de l'hypocrisie).

On peut penser qu'une telle fonction serait plutôt négative, mais il faut remarquer que ce qui touche à une relation avec d'autres devient positif inévitablement rien que du fait qu'on va devoir nécessairement mettre de l'eau dans son vin et s'adapter. Telle n'est pas l'image que l'on se fait du tyran mais cette image dépasse souvent de très loin la réalité : la force de ceux qui abusent du pouvoir officiel est faite de la faiblesse de ceux qui ne savent pas comment s'en servir.

Alors, quelles sont les étapes d'une bonne normalisation? Comment avoir une activité civique digne de la communauté, ou plutôt des diverses communautés auxquelles chacun appartient? S'agit-il d'activités ponctuelles dispersées (se rendre aux urnes et aux assemblées syndicales)? La fonction normative est-elle dispersée au gré des situations ou bien comporte-t-elle, dans la plupart des situations, suivant la collectivité impliquée, de grandes étapes plus ou moins analogues?
Réaction 5


Nous verrions grosso modo cinq étapes. 1. Concevoir des idées «légalisables». 2. Rédiger et faire accepter des dispositions statutaires, lois ou règlements. 3. Leur promulgation (faire reconnaître une «autorité»). 4. Contrôle. (La loi n'a de force qu'assortie de surveillance et de sanction.) 5. Arrestation, jugement, condamnation, prison, exécution!... (Ce sont des conséquences sur lesquelles mieux vaut ne pas se boucher les yeux avant d'y être acculé, car il est toujours moins coûteux de prendre les devants pour les éviter dans toute la mesure du possible.)

Voici des formes normatives à décrire.

L'ordre. Le commandement. L'injonction.

Avis à la population.

Déclaration politique. Proclamation. Hymne national.

Slogan. Mot d'ordre. Briefing.

(La cosmologie. Le psaume. L'homélie. )

Les lois. Code juridique. Charte. Décret. Statuts.

Protocole. Étiquette.

Certificat.

Contrat, concordat, traité, entente.

Enquête. Interrogatoire. Plainte. Témoignage. Jugement.

Modération des groupes. Intervention en assemblée. Lettre ouverte. Livre blanc.

Discours politique. Discours électoral.

Donner un ordre.

«Ici, Médor!» Il y a une intonation du commandement. À l'inverse du questionnement, elle part du suraigu (niveau d'autant plus haut que la résistance escomptée est forte) et elle aboutit au plus grave, car elle refuse toute réponse qui ne serait pas l'effectuation.

Quel serait la visée (et le contenu essentiel) d'un ordre?
Ferme cette porte!
1 Exclamation.
2 Ordre.
3 Impératif.
4 (N'importe)
Réaction 6


Une action, on exige quelque chose. On veut que quelqu'un (l'interlocuteur) fasse quelque chose. Le contenu de l'ordre est d'abord l'action exigée, à un mode qui l'exige (verbe à l'impératif), ensuite le nom de la personne (Dors, Brutus.) Peut-on commencer par le nom de la personne?
Comparez les intonations possibles de «Médor, couché!» et de «Médor! Couché!»
1 De l'aigu au grave, c'est le ton du commandement.
2 Le nom du destinataire est plutôt une sorte d'appel (du médium à l'infra-aigu).
3 Il y a quatre actes de paroles identiques (ordres).
4 Trois ordres et un appel.
Réaction 7


C'est quand le nom suit que son intonation réitère l'ordre, déjà connu. Si le nom précède, il ne fait que spécifier le destinataire. Son rôle est donc le même que dans l'appel, où il s'agit seulement d'attirer l'attention. Ex. «Rachel?» Il n'y a pas encore d'ordre.

Les ordres tendent à la plus extrême brièveté. Ce sont des holophrases (phrases réduites à un seul mot syntaxique). «À l'abordage! Attention! Le scalpel. Aiguille. Pas celle-là. Une plus courte. Ciseaux.» Tout le monde a-t-il le droit de donner des ordres?
--- Madame, avec la tempête qui se lève, je vais devoir vous demander de ne pas rester sur le pont et de regagner la salle, dit le capitaine. Fait-il ici usage de son autorité?
1 Non.
2 Oui.
3 (Au choix mais de préférence 1)
4 (Au choix mais de préférence 2)
Réaction 8


Non. En donner quand on n'est pas revêtu de la fonction et des responsabilités serait un abus de pouvoir. C'est le titre, donc l'exercice reconnu de la fonction, qui confère de l'autorité. Et ceux qui l'exercent prennent généralement soin de le faire dans les formes, afin d'éviter les réactions inappropriées.

Pourquoi le futur, et même le futur antérieur, sont-ils souvent utilisés à la place de l'impératif?
Vous serez place du tertre à 13h 23. Vous aurez déposé le colis à la poste à 13h 50. Si on vous pose des questions, vous ne me connaissez pas. Vous n'avez jamais vu mon visage et ne pouvez pas reconnaître ma photographie. Le temps des verbes, quand on veut donner un ordre, _____.
1 s'étend du passé au futur de façon tout à fait normale
2 inclut le passé et le futur mais dans un autre ancrage que le présent
3 ne comprend que le présent et l'accompli du passé
4 (Il n'y a pas d'ordre lancé ici.)
Réaction 9


Celui qui menace ordonne sans autorité reconnue, par la violence. Le lavage de cerveau consiste dans une sorte de montage discursif : il s'agit de dire ce que la victime devra se dire, à un certain moment, situé dans l'avenir. Les antériorités trouvent alors leur ancrage par rapport à ce moment futur. Ce sont des formes que le matraquage publicitaire a pu récupérer.

Remarquer aussi les indications précises de temps et de lieu (les indictions). Elles peuvent se substituer entièrement à l'ordre.
Midi et demi à la Cafétéria.
1 Exclamation.
2 Indication scénique.
3 Rendez-vous.
4 (Selon l'intonation)
Réaction 10


Le groupe qualifiant, en soulignant la manière d'effectuer la tâche (sans perdre une seconde,), tente (parfois désespérément) de mettre en branle le récalcitrant.
Johnny Hallyday : «C'est l'histoire d'une vie de fou.» _______!
1 À toute allure
2 Et que ça saute
3 Pied au plancher
4 À fond la caisse
Réaction 11


Ici, le chanteur relate les ordres qu'il s'infligeait dans le but de se dépasser. Avec un enfant récalcitrant, on insiste sur le mouvement à mettre en branle. «Je compte jusqu'à trois; un... deux...» avec un assortiment de menaces (sinon...) qui ne cessent de déboucher sur le vide de la retenue (ou aposiopèse), pour reprendre avec une patience imméritée.

L'ordre est donc souvent caché ou voilé. Il ressortit à la fonction illocutoire (tout ce qui a l'interlocuteur comme centre de l'acte de parole).
Jack se doute que son voisin de banc a dû lui subtiliser son stylo. Il met la main sur le compas de Jim. --- Lâche ça! --- Je te le rends quand j'ai retrouvé mon stylo... --- Non! Pas du tout! Immédiatement! La dernière réplique est ________.
1 une protestation d'innocence
2 un rejet de l'allusion accusatrice
3 un aveu implicite
4 une sorte de menace
"Camarades, notre jeune république est la proie des vautours. Ne voit-on pas une poignée de citoyens accaparer les trois quarts du revenu national? Mais ils n'auront pas la vie tranquille tant qu'ils n'auront pas restitué ce dont ils privent le peuple." Le futur indique, ici, ________.
1 une mise en garde
2 une prédiction
3 un avertissement
4 une prévision
La modération a bien meilleur goût. Ce slogan de la Société des alcools ______.
1 fait la promotion d'un vin
2 moralise discrètement
3 suggère un comportement
4 réprime les excès
Réaction 12


Voici quelques autres procédés à mentionner à propos de l'ordre : le mande (ordre donné par personne interposée), la haute main (une autorité suprême, souvent moins montrée), la mainmise et la main levée (qui soumet et, respectivement, soustrait à l'autorité), le diktat (qui ne laisse pas de choix), les fourches caudines (qui font souffrir), le dressage (basé sur la répétition du geste), les points sur les i (ou rien n'est laissé au hasard), le contrordre, la mauvaise humeur (où l'on se permet de maugréer), l'intensité accrue (aug' aug' auch droite une deux aug'), la gradation intensive, la formule usuelle (c'est la formule qui est la marque du droit), le complexe de Marthe (pas d'explication, rien que des actes), l'arythmie (qui fait ressortir l'instant dans la continuité).
À vos marques. Prêts? Partez! Peut-on, dans un ordre donné, insérer des questions?
1 Oui, mais elles restent des questions. Elles ne feront pas partie de l'ordre.
2 Dans l'interrogatoire, on tente d'obliger qqn à répondre.
3 Ordre et question sont deux attitudes opposées.
4 (Au choix, mais de préférence 2)
Réaction 13


La fonction injonctive se retrouve dans l'avis à la population. Il s'agit d'un type de texte déjà ancien (il remonte au temps où le «bon peuple» se rassemblait sur la place ou sur le parvis, sous l'Ancien Régime).

L'avis à la population.

Elle est proclamée par le héraut, représentant officiel du pouvoir seigneurial. Elle débute par l'appel des destinataires («Oyez, bonnes gens de la cité de Bourges...») et le reste est lu sur un parchemin scellé qui se déroule à mesure («Il a plu à votre débonnaire Sire Jehan de Bourgogne de ...»). Ce style n'a plus lieu en démocratie mais le genre est parfois évoqué en vue de la diffusion d'annonces locales (travaux de rue, interruption de courant) qui sont distribués dans les boîtes aux lettres sous forme de feuillets.
AVIS à la population
MODIFICATIONS DU RELIEF DU SOL
Nous avons pu constater dernièrement que de plus en plus de travaux de modification du relief du sol étaient entrepris sans autorisation sur le territoire communal.
Aménager un terrain est une démarche tout à fait logique que chaque propriétaire estime être en droit d'entreprendre.
Il faut savoir que toute modification du relief peut avoir des conséquences inattendues et parfois gênantes sur les propriétés voisines : cheminement des eaux de ruissellement, stabilité d'un talus, niveau de nappe d'eau souterraine.
Afin d'éviter les désagréments de ces situations de conflits, le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine (CWATUP) stipule dans ses articles 84 et 264 que :
« la modification sensible du relief du sol nécessite l'introduction auprès de l'Administration communale d'un dossier de permis d'urbanisme sans plan d'architecte ».
Nous vous invitons à prendre contact avec le service communal de l'urbanisme avant d'entreprendre vos travaux afin de déterminer avec lui la nécessité, voire l'obligation d'introduire un dossier.


Quelle différence voyez-vous entre cet avis et une circulaire de type administratif?
Réaction 14




On peut les décrire l'un et l'autre de façon assez semblable. Même un simple message -- enregistré et diffusé par téléphone -- ferait aussi bien l'affaire et, tout naturellement, il comporterait les mêmes caractéristiques. Un titre formel (Message...), le nom des destinataires, celui de l'émetteur avec sa position d'autorité (la Cie du Gaz), l'objet (travaux), le lieu et le moment (secteurs concernés, date et heure d'interruption), et même, éventuellement, le leurre ou le mensonge par omission (causes, justifications, urgence, choix de la période, risques de prolongation).

Un avis peut circuler (passer de main en main et non être affiché). Une circulaire peut aviser (faire savoir). Avis et circulaire font-ils de l'information sans plus?
Réaction 15


On ne prendrait pas la peine de les diffuser (et au nom d'une institution) s'il ne s'agissait que de nouvelles, dont les journaux s'occuperaient parfaitement. Il faut atteindre un public ciblé et obtenir de ce dernier une réaction certaine. Le ton n'est pas celui de l'ordre (sauf cas extrême, danger public, risques de guerre, présence ennemie...) mais la violence exceptée, les fonctions sont semblables.

Dans les sociétés démocratiques, les lois et les règlements n'ont-ils pas, eux aussi, pour but d'imposer des réactions conformes aux exigences de l'autorité? Quelle relation y a-t-il entre un avis et un règlement?
Réaction 16


Ils se complètent. Le règlement, une fois adopté par les personnes habilitées, peut rendre conformes à un modèle unique les actes publics des individus visés. Encore faut-il qu'ils en aient connaissance (bien que ce soit à eux qu'il incombe de s'informer). Quand les écarts se généralisent, un rappel à l'ordre peut prendre la forme de l'avis ou de la circulaire. Dans ce cas, le texte légal prend place au centre du message, il en devient l'objet.

Le texte de loi.

Est-il possible de reconnaître un texte législatif ou un règlement rien que par sa forme?
Lequel de ces textes est juridique?
1 Le commerce n'est pas un moyen de s'enrichir aux dépens des pauvres.
2 L'être vivant est un réseau de particules, capable d'enrichir son information interne au niveau bio-chimique aux dépens de l'information extérieure.
3 Nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui.
4 Les libre-échangistes ne comprennent pas comment un pays peut s'enrichir aux dépens d'un autre.
«le titulaire d'un permis de restaurant pour vendre peut préparer à l'avance des carafons de vin entre 11 heures et 14 heures ou entre 17 heures et 20 heures, pourvu qu'en dehors de ces heures, il détruise ou élimine le reste du vin contenu dans ces carafons» peut-on lire dans la loi sur les infractions en matière de boisson alcoolique (article 84.1). À quoi voit-on qu'il s'agit d'un texte de loi?
1 La sévérité des ordres.
2 Le détail pointilleux.
3 Le langage châtié.
4 (Autre chose)
Réaction 17


Y a-t-il une visée implicite dans les textes juridiques?
Nous nous engageons à construire une société mondiale humaine, équitable et généreuse, consciente de la nécessité du respect de la dignité humaine de chacun. Tel est l'article 2 de la Déclaration de Johannesburg (sept.2002)
1 Idéalisme.
2 Artifice rhétorique.
3 Louables sentiments.
4 Objectif global.
Réaction 18


La part de l'idéologie risque d'entraîner la loi dans le vague, mais un souci encore plus poussé de prendre tout acte sous son angle concret, voire monétaire, rééquilibre le tout (si l'on peut dire!)
«Si la promesse de vente est accompagnée d'arrhes, chacun des contractants est maître de s'en départir; celui qui les a données, en les perdant; celui qui les a reçues, en payant le double.» Code civil du Québec, art.1477.
1 Les lois ont un caractère d'universalité. Elles s'appliquent à tous et partout.
2 Les lois doivent être justes : «oeil pour oeil, dent pour dent».
3 Une promesse de vente qui ne serait pas accompagnée d'arrhes serait sans valeur juridique.
4 Le montant des arrhes est une mesure de la volonté mutuelle dans un engagement.
Réaction 19


Quel est le degré de fixité et la durée d'une loi? À voir comment elle s'énonce, on croirait qu'elle jouit d'une infaillibilité qui lui confère un goût d'immortalité. Aurait-on raison d'y croire?
Il peut y avoir annulation, révocation, abrogation d'une loi, ou simplement dérogation à une loi. Est-ce à peu près la même chose?
1 Oui, car dans les quatre cas, la loi n'est pas appliquée.
2 Annulation serait un générique, avec abolition comme terme plus spécifique.
3 C'est la révocation qui annule le plus fortement.
4 La dérogation est un cas de non-application dûment inscrit d'avance dans le texte légal.
Réaction 20


Les codes juridiques se recopient les uns les autres, avec des variantes, depuis trente ou quarante siècles... mais ils changent de plus en plus vite. Les révisions, ajouts, retraits, abrogations et exceptions se suivent, à intervalles de plus en plus rapprochés, et les avocats auraient de la peine à ne pas s'y perdre sans les récentes versions informatisées que fournissent les ministères de la Justice et les instituts d'information juridique.

Les lois ne doivent-elles pas être votées par les chambres? Leur étendue et leur complexité n'empêchent-elles pas une discussion en assemblée?
Réaction 21


Des commissions spécialisées préparent le texte complet, qui est voté en bloc après d'éventuels amendements, qui doivent avoir eu la majorité des voix (ce qui ne laisse pas à l'opposition une grande marge de manoeuvre).

Supposons qu'une assemblée comme un Sommet de la francophonie ou un Sommet sur le développement, ou encore une assemblée syndicale, doive faire progresser un dossier politique, économique ou social. Peuvent-ils promulguer des textes de type législatif? Sur quel type de texte les participants seront-ils appelés à voter?
«Pour atteindre nos objectifs de développement durable, il nous faut des institutions internationales et multilatérales plus efficaces, plus démocratiques et plus comptables de leurs actes.» Tel est l'article 31 de la résolution du Sommet mondial pour le développement durable (Johannesburg, sept.2002). Que manque-t-il à un tel texte pour qu'il soit de type législatif?
1 Rien. Il est intemporel et universel. Il est tourné vers des dispositions concrètes. Il a pour but le bien commun.
2 Il est trop personnel (nos... nous...)
3 Il est trop vague (plus efficaces, plus démocratiques, plus comptables de leurs actes).
4 Il n'émane pas d'une autorité légitime.
«Nul ne doit participer à la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales en agissant ou en s'abstenant d'agir quand les circonstances l'exigent, et nul ne peut être châtié ou inquiété pour avoir refusé de porter atteinte à ces droits et libertés.» Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus...de promouvoir et protéger les droits de l'homme, art.10. Un tel texte est de type législatif parce qu'il ______.
1 émane d'une autorité légale, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme.
2 a pour objectif la sécurité des victimes et de leurs défenseurs, ce qui relève du bien commun.
3 est universel (Nul..., proposition négative universelle) et intemporel
4 (Toutes ces réponses sont bonnes.)
Réaction 22


Ce sera des textes de type juridique bien qu'il s'y ajoute, au début, des «attendus et considérants». Comme ils partent de situations réelles courantes, ils doivent donner à leur terminologie un sens plus déterminé juridiquement. Ils peuvent alors recourir à la définition stipulative. Ex.
Une personne est réputée « invalide » lorsque son incapacité l'empêche régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L'expression «régulièrement » signifie que l'incapacité est persistante au point d'être pour ainsi dire continue ou ininterrompue de sorte que la personne touchée n'a pas la capacité de détenir un emploi véritablement rémunérateur. L'expression «détenir» signifie qu'il s'agit d'un emploi réel, et non pas d'une recherche d'emploi. L'expression «une occupation» désigne une occupation que le demandeur pourrait raisonnablement s'attendre à détenir, même s'il ne s'agit pas de son ancien emploi. Enfin, l'expression «occupation véritablement rémunératrice» désigne la capacité de travailler de façon productive et profitable, que l'on mesure en partie en fonction d'un revenu établi annuellement. Le revenu seul ne détermine pas la capacité de travailler de façon régulière; on évalue aussi la capacité fonctionnelle, la productivité et le rendement.


Les paragraphes qui constituent des articles de loi (ou clauses) sont numérotés séquentiellement et peuvent être des parties de phrase, en subordination syntaxique. Ex. Il est possible d'inclure dans une seule phrase la Déclaration de Paris contre la grande corruption.
Nous, signataires (...) demandons :
1. Pour faciliter les enquêtes
- la suspension des immunités (...)
- la suppression des possibilités de recours dilatoires (...)
2. Pour juger effectivement les délinquants
- l'obligation légale de justifier (...)
3. Pour prévenir la grande corruption (...)
- la compétence donnée à la Justice du pays (...)
- les portefeuilles de titres et les comptes bancaires (...)


Voyez-vous d'autres procédés propres aux textes législatifs?
«Conformément aux droits naturels, historiques et légaux du peuple arabe palestinien (...), sur la base des résolution des sommets arabes, en vertu de la primauté du droit et de la légalité internationale incarnés par les résolutions de l'Organisation des Nations unies depuis 1947 (...), le Conseil national palestinien, au nom de Dieu et du peuple arabe palestinien, proclame l'établissement de l'État de Palestine» (Y. Arafat, 15 nov.1988)
1 Sériation.
2 Formule juridique.
3 Exhaustion.
4 (Autre chose)
Réaction 23


Rappel des assemblées antérieures et de leurs décisions. Références numérotées (lettres, chiffres arabes, chiffres romains, dates). Isocolons. Le brocard (forme de maxime servant de moyen mnémotechnique). Construction impersonnelle (il faut). Haute main. Vue de l'esprit. Esprit de géométrie. Langage juridique. Langage châtié. Langue de bois. Interférence lexicale.

Y a-t-il aussi des procédés à éviter?
Réaction 24


L'exclamation. L'extravagance. L'incohérence. L'illogisme. Tout type de faute. Le jeu de mot . Faire de l'esprit. L'élucubration. L'impertinence. L'épiphonème. Les figures poétiques.

Un texte personnel peut-il prendre une forme et recevoir une valeur juridique?
Réaction 25


Sans doute, et ce sera un témoignage, une réclamation, une demande (d'indemnité par exemple), ou encore une déclaration.

La déclaration.

Ravachol, qui finit guillotiné pour deux attentats commis contre des magistrats, reste le modèle des anarchistes. Il n'y avait pas de loi sociale. À son procès, il avait préparé une déclaration. Nous sommes en 1892 et les idées de Rousseau sont encore très actuelles et bien vivantes.
Il suffirait d'établir la société sur de nouvelles bases où tout serait en commun, et où chacun, produisant selon ses aptitudes et ses forces, pourrait consommer selon ses besoins (...) C'est la société qui fait les criminels, et vous, jurés, au lieu de les frapper, vous devriez employer votre intelligence et vos forces à transformer la société. Du coup, vous supprimeriez tous les crimes; et votre oeuvre, en s'attaquant aux causes, serait plus grande et plus féconde que n'est votre justice, qui s'amoindrit à punir les effets.


Le texte d'une déclaration est-il de type législatif? ou argumentatif? ou simplement didactique?
Réaction 26


Il n'est pas sans relation avec les lois, par rapport auxquelles il précise la position de l'individu, ou du groupe, qui s'exprime en vue d'établir ou de modifier non les connaissances mais qqch. qui concerne la communauté (donc en quelque sorte des lois). Il est proche de l'essai en ce qu'il manie des idées et des idéaux mais ce sont des idéaux collectifs qui ont des incidences concrètes, qui peuvent s'incarner dans les lois. Par là s'explique l'apparition de plaidoyers plus ou moins explicites (ici d'autant plus nets qu'il s'agit de justifier des agressions apparemment gratuites). En proposant un nouveau type de société (dont on trouve des modèles dans le passé et loin de toute civilisation), Ravachol compose en somme un texte politique, sorte de discours programme, qui deviendrait plus nettement de type législatif s'il entrait dans le détail de la réalisation de l'idée (en l'occurrence, du communisme).

On peut donc d'emblée définir la déclaration comme une prise de position, de l'individu ou du groupe, face à l'opinion publique, concernant des lois.

En découlent ses éléments essentiels.
1. Les auteurs s'identifient («Nous, chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage», début de la Déclaration de Moncton).
2. Ils identifient leur texte («réunis du 3 au 5 septembre 1999 à Moncton, au Nouveau-Brunswick, Canada» pour le 8e Sommet de la francophonie.
3. Ils «réaffirment» leurs objectifs (paix, démocratie, développement durable).
4. Ils reconnaissent l'action d'autres institutions et groupes («Nous avons écouté les jeunes dans nos pays. Nous avons appuyé les efforts nationaux et régionaux de concertation ainsi que ceux du Secrétaire général.»)
5. Engagements pris. Liste de problèmes à traiter ou d'actions à effectuer : prévention des conflits armés, consolidation de l'état de droit et des processus démocratiques, respect des droits de l'homme, non-discrimination, droits des minorités, promotion et diffusion de la langue française «comme des langues partenaires», diversité culturelle, éducation, coopération économique, échange de savoirs et transfert de compétences dans les domaines technologiques et scientifiques, coopération multilatérale...


Donnez quelques expressions commodes pour désigner les actions envisagées dans les discussions en assemblées... (Nous nous engageons à... Nous affirmons... Nous soutenons les efforts en vue de... Nous rejetons... Nous favorisons... Nous demandons à... de... Nous convenons que...)
Réaction 27


Nous approuvons... Nous voulons promouvoir... Nous entendons continuer... Nous réitérons que... Nous sommes déterminés à répondre aux attentes de... Nous condamnons le recrutement de... Nous poursuivons notre action en faveur de... Nous renforcerons les moyens consacrés à... Nous devons soutenir... Nous préciserons les modalités de... Nous appelons à la mise en oeuvre de... Nous encourageons... Nous accroîtrons les budgets déjà consentis à... Nous invitons les... à... Nous adoptons un plan d'action qui doit... Nous saluons les... qui... Nous persistons à dénoncer... Nous croyons en l'importance de... Nous reconnaissons la contribution de... Nous apprécions le travail effectué par... Nous nous réjouissons de... Nous prenons note de... Nous avons reçu le rapport de...

Le corps de la Déclaration est-il nécessairement rédigé sous la forme de résolutions? Ne peut-on lui donner une allure juridique, en faire des articles de loi?
La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. D'où provient, pensez-vous, cet article de loi?
1 La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789).
2 la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948).
3 La Charte canadienne des droits et libertés (1982).
4 (Autre chose)
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. D'où peut provenir cet article de loi?
1 De la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789).
2 De la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948).
3 De la Charte des droits et libertés (1982).
4 (Autre chose)
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé. D'où peut provenir cette clause?
1 La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789).
2 La Déclaration universelle des droits de l'homme (1948).
3 La Charte des droits et libertés (1982).
4 (Autre chose)
Réaction 28


Ce fut la forme première, plus stricte, qui a cédé la place à cette immense phrase découpée en tranches parallèles, plus facile mais un peu monotone, sinon factice. Il arrive encore que l'on revienne au style législatif. C'est notamment le cas quand on souhaite donner au texte une valeur moins théorique, plus lapidaire. On donne volontiers cette forme aux déontologies, où les gens de métier décrivent leurs idéaux, s'engageant à ne jamais déroger au summum de leur art. De telles déclarations ont quelque chose d'archaïque (le mythe de l'âge d'or) en sorte qu'elles reçoivent le nom de charte.

Utilisation du proverbe en littérature.

Le proverbe et le précepte viendraient-ils s'ajouter ici sous leur aspect normatif?
Un organisme, NEZ ROUGE, qui reconduit chez eux les fêtards qui seraient des dangers publics au volant, fait signer à ses membres bénévoles un texte qui se lit comme suit : «Je m'engage à assurer la sécurité (...) observer le code d'éthique (politesse, sobriété, confidentialité, gratuité...) remettre la totalité des sommes...»
1 Contrat.
2 Déclaration.
3 Charte.
4 Protocole.
Une école fait signer à chaque nouvel élève un engagement dans lequel on peut lire : «Tu as le droit qu'on t'aide à devenir un enfant autonome.» Et :«J'aime qu'on me fasse confiance.» Suit une liste intitulée MES RESPONSABILITÉS où l'on voit :«j'arrive à l'heure, je fais bien mon travail, je garde ma classe propre, etc.»
1 Conseils utiles.
2 Contrat scolaire.
3 Bourrage de crâne.
4 Charte de droits.
Réaction 29




Le proverbe a un aspect didactique, à l'instar de la maxime; mais, jusque dans ses contradictions, il tente déjà de s'appuyer sur une norme, morale sinon légale. Il peut, dans cette mesure, être envisagé ici. On y verra la naissance de l'idée de norme, c'est-à-dire d'imposition de certaines valeurs par le langage.

Et des règles comme celles de la grammaire doivent-elles déjà être considérées comme appartenant à un genre, quoique non littéraire?
Réaction 30


Sans doute, car elles sont écrites d'une manière qui les caractérise (par exemple par la présence d'exceptions). Elles ressemblent du reste à celles des codes civil et pénal, ou constitutionnel, par leur aspect définitoire et coercitif. La précision des termes, leur définition, le degré de généralité... Les ordres n'ont-ils pas un style bien à eux («Du haut de ces pyramides...»)? Les comportements en assemblée parlementaire ne sont-ils pas bien réglés?

Il semble que la forme la plus archaïque de la règle ait été le proverbe, dont il a été question précédemment comme proche de l'aphorisme et qui revient ici comme règle. D'où tire-t-il sa force? A-t-il de l'autorité?
«Å bon chat, bon rat.» C'est un proverbe. Que peut-il vouloir dire?
1 Que pour tenir tête à qqn de capable, il faut être à sa mesure.
2 Que quand on a un bon chat, les rats s'aguerrissent pour lui résister.
3 Que si l'on se montre bon, l'adversaire aussi se montrera bon.
4 Que si l'adversaire se montre mauvais, on est capable de l'être aussi.
Réaction 31


Du groupe et de la mémoire. Il s'impose comme déjà là, comme héritage. Mais le proverbe engage très peu le locuteur : il met en scène des banalités. «Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise.» La maxime, au contraire, est originale, critique, incisive. Elle veut se fixer dans les mémoires par sa construction plus étudiée. «L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.» Elle provient d'une vue personnelle alors que le proverbe se rapporte à un fonds séculaire de sagesse commune. Le proverbe sera donc à sa place là où tout le monde est déjà convaincu; à la limite pour donner des couleurs au style; la maxime peut présenter des hypothèses discutables.

On met le proverbe dans la bouche d'un personnage qui cherche à étayer sa position sur des valeurs indiscutables. Ex. --- N'est-il pas chouette, mon pardessus? --- «Des goûts et des couleurs...» Raillerie «gnomique» (On évitera cependant la gnomorrhagie ou wellerisme, qui consiste à débiter des proverbes à toute occasion).

De l'expression proverbiale à l'expression idiomatique, il n'y a qu'un pas. Celle-ci est un assemblage de termes colorés qui n'atteint pas la dimension d'une phrase mais qui sert aussi bien l'expressivité, tout en prenant également appui sur un accord culturel généralisé. «Se remettre à flot», «accorder ses flûtes».
«Les carottes sont cuites», c'est un dicton qui ________.
1 s'emploie quand il est trop tard pour reculer
2 veut dire que tout est prêt
3 veut dire que tout est fichu
4 s'emploie quand une tricherie a été dévoilée
Réaction 32


Que vaut le proverbe comme argument?
Les concertos de Jean-Chrétien Bach, le fils du grand Jean-Sébastien, sont sûrement magistraux. "Tel père, tel fils." Ce proverbe semble devoir démontrer une allégation. La démontre-t-il?
1 Non. Un proverbe ne s'applique pas nécessairement à tout coup.
2 Non. Les proverbes sont d'une vérité douteuse.
3 Oui. Un proverbe est une vérité d'expérience.
4 Probablement. Le proverbe codifie l'expérience populaire, la "sagesse des nations".
Réaction 33


Mentionnons aussi l'apophtegme. Ce n'est pas un proverbe mais cela y ressemble par la forme, condensée, concentrée, en somme une maxime, mais citée, attribuée à un personnage célèbre. Au lieu de tirer son autorité du peuple, il se rattache aux écrivains. «Il faut cultiver son jardin» (Voltaire).

Ce qui arrive aux meilleures citations, c'est de devenir des apophtegmes (on sait encore de qui elles viennent mais plus d'où), puis des proverbes (On ne sait plus qui l'a dit), enfin des dictons (simples façons de parler).
«Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.»
1 Dicton. À dire quand tout va très bien.
2 Proverbe.
3 Apophtegme (maxime qui tire son autorité d'un écrivain reconnu).
4 Déclaration célèbre.
Réaction 34


L'usage de la citation dépend de la valeur reconnue au texte cité. Celui-ci est utile pour faire jouer ses connaissances historiques et pour donner une dimension culturelle à son texte. Il introduit subrepticement la présence d'une autorité, du reste, et cela pourrait devenir un inconvénient. La citation ne comporte-t-elle pas des risques, du fait qu'elle reconnaît une autorité?
Réaction 35


Il y a un risque. Peut-on se fier à lui? Il faut au moins l'approuver (ou le critiquer). De plus, un auteur connu occupe une place dans la culture collective. On risque d'être rangé sous sa bannière. Dans un contexte politisé, si l'on cite à gauche (Lénine, Guevarra), et qu'on veuille éviter d'être classé, il faudra prendre soin de citer aussi à droite (la Bible, Russel) ou au centre (Montesquieu, Camus). «Dans un contexte de lutte des classes...» «Regardez les lys des champs...» «Dans les États modérés, la puissance est bornée par ce qui en est le ressort, je veux dire l'honneur.» (MONTESQUIEU, l'Esprit des lois, III, X)

La citation s'utilise même fictivement, et par dérision. On pourrait faire dire à l'écraseur de pieds qui méprise le jeune élégant : «Mon cher ami, comme disait Napoléon, du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas». C'est un mode de l'amplification. On explore l'intertextualité. On donne au texte des arrière-plans.

La maxime est-elle plus courte que la citation? Ou plus travaillée? Ou plus originale?
Réaction 36


Plus originale, la maxime est l'aboutissement d'un travail du texte qui va vers la brièveté. Tout dire en une phrase courte, trouver la formule. Exemple. Au terme d'un article sur les androgynes, où l'on a défendu l'idée que Boy George avait tenté de représenter la somme des traits féminins et masculins, et qu'il ne fallait pas définir l'homme et la femme en les opposant, on ose la formule : «Nous sommes tous des androgynes.» Ce n'est pas une citation, mais c'est une formule frappante, déjà utilisée par exemple dans le titre d'une oeuvre littéraire (Nous sommes tous des assassins). En terminant sur un tel paradoxe, le journaliste entend graver dans la mémoire du lecteur l'essentiel de son propos.

La maxime n'a-t-elle pas quelque chose de littéraire?
Réaction 37


L'utilisation isolée des maximes comme genre littéraire va de Mme de Sablé (XVIIe siècle) à Prévert. Il se publie des recueils de maximes, vade-mecum des militants qui s'en font des devises ou des mots d'ordre. Elles se détaillent aussi jour après jour sur les calendriers sentencieux. Signalons des aphorismes travaillés comme des sentences mais puisés aux profondeurs de l'incompréhensible. «Faites pondre le coq, la poule parlera». «Dans le melon, un coeur battait». C'est dans les Tranches de savoir de Michaux. Dans ses Poteaux d'angle, on trouve le «Même si c'est vrai, c'est faux» qui est devenu un slogan révolutionnaire en mai 68. De la maxime au slogan, quelle est alors la différence?
Réaction 38


Le slogan exige, proclame ou condamne, sans donner à réfléchir; la maxime veut donner à penser, ou faire sourire, elle crie moins haut car elle veut convaincre sans obliger.

Elle se distingue aussi du proverbe. Utilisée dans un contexte précis, la maxime reçoit un thème particulier. Destinée à un public large, elle obtient du retentissement. Le proverbe, lui, s'adapte au contraire à tous les contextes et n'a pas besoin d'étendre son public. Plus il est employé (par des individus), plus il se rapproche du dicton. L'aphorisme, quant à lui, n'est pas entré dans la langue. C'est une maxime littéraire, inventive, plus travaillée que l'apophtegme.
Breton, dans Nadja, donne le conseil suivant: «Ne pas alourdir ses pensées du poids de ses souliers.» C'est ______.
1 un aphorisme (précepte concis)
2 une devise (mot résumant un idéal)
3 un apophtegme (parole mémorable, érigée en précepte)
4 un dicton (vérité d'expérience, sonore et bien rythmée)
Réaction 39


Un simple changement de contexte, ou un remaniement partiel, et voilà le proverbe en voie de reprendre de la couleur poétique et de la personnalité.
L'argent ne fait pas le bonheur car il n'a pas été un désir infantile. Cette remarque de Freud constitue ______.
1 un proverbe
2 une subversion
3 un paraplasme
4 une anasémie
Réaction 40


Il est ainsi réalisable, moyennant quelque coups de pinceau, de rafraîchir le proverbe, qui perd sa lourdeur de vérité incontournable pour acquérir la fraîcheur d'une pensée plus personnelle, à laquelle on se trouve alors plus libre de résister éventuellement.
Le capitaine crie: "Je suis le maître à bord." "Sauve qui peut! Le vin et le pastis d'abord!" (Brassens). La figure qui modifie une formule attendue les femmes et les enfants d'abord est ______.
1 un paraplasme (Substitution lexicale à effet particulier, sans changement de sens).
2 un perroquet (Modification dans une formule pour adapter le sens à un autre contexte).
3 un paralogisme (Erreur de raisonnement).
4 de la parodie (Imitation ironique de choses sérieuses).
Réaction 41


Trop recherchés, les paraplasmes deviennent obscurs mais parfois d'autant plus remarquables.
Ils ont des châteaux roulants Quatre roues meublées devant Les tziganes (Ferré). Cette expression, quatre roues meublées, qui vise les roulottes, appartement meublé sur quatre roues, est ______.
1 une dissociation (incompatibilité des classèmes)
2 un paraplasme (substitution de mot sans altération du sens)
3 un oxymore (alliance de mots contradictoires)
4 une hypallage (fonction syntaxique modifiée)
Réaction 42


On voit que jongler avec les sens et les mots, comme on a appris à le faire dans les chapitre précédents, rendra encore des services au moment de composer! On opère sur une substance qui se manifeste par tout ce que le lecteur anticipé pourrait avoir à l'esprit, comme pensée, comme mots, comme assemblages, locutions, images, phrases, façon de dire, et contenus. Comme l'eau se fraie un chemin à travers la moindre fissure, le sens va se glisser par toutes les anfractuosités de l'esprit.

Où trouver les proverbes utilisables?
Réaction 43


Dans sa mémoire... ou en feuilletant les dictionnaires de citations.

Montreynaud, Florence et alteri, Dictionnaire de proverbes et dictons, coll. les Usuels du Robert. (PN6406 M65)

Dournon, Jean-Yves, le Dictionnaire des proverbes et dictons de France, Hachette, 1986 (PN 6021 D68)

Quitard, P.-M., Dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des proverbes, 1842, Slatkine reprints, 1968 (PN 6451 Q 57)

Gagnière, Claude, Entre guillemets, Laffont, 1996. (péricopes litt.)

Le sermon, l'homélie, la prédication.

Le sermon est un texte de longueur moyenne (5 à 10 p.), de caractère religieux, destiné à être dit en public. C'est un discours oratoire qui s'inscrit dans le cadre d'une cérémonie. On fait appel au prédicateur (celui dont la tâche est de prononcer des sermons) pour toutes sortes d'occasions : fêtes liturgiques, funérailles, carêmes, prises de voile, etc. Il se définit surtout par son contenu et son objectif, plutôt que par sa forme. Le sermon a un but: faire connaître et comprendre la "Parole de Dieu", c'est-à-dire les enseignements de la Bible, aux fidèles, qui, la plupart du temps (cela varie selon les milieux et les époques), n'y ont pas accès. Le sermon a donc un caractère didactique fortement marqué. Avons-nous raison de le placer parmi les genres normatifs?
Réaction 44


Il appartient aux genres normatifs du fait qu'il n'est pas sans contrainte extérieure comme peut l'être un texte littéraire. En effet, les Églises entendent souvent donner à leurs discours des contenus invariants et prescriptifs. En principe, les églises protestantes enseignent la plus grande liberté (celle des enfants de Dieu). La coercition se réduit alors à un effet de groupe.

On peut observer par ailleurs que c'est un genre qui a été longtemps très codifié. Pendant des siècles, influence de la rhétorique grecque. En France, la codification du genre a eu lieu à partir de saint Vincent de Paul (XVIIe siècle). Voici une définition du sermon tel qu'il a été pratiqué en France pendant au moins deux siècles.
Son exorde comprend tout d'abord le texte, verset tiré de l'Écriture et choisi pour sa correspondance particulière au sujet traité; il est énoncé en latin, puis en français. Suivent la proposition du sujet, puis la division, traditionnellement en trois points. L'exorde se termine par l'invocation, dans laquelle l'orateur sacré implore le secours de l'Esprit saint, par l'intercession de la Vierge, en récitant un Ave (en latin). Le corps du sermon est constitué par le développement des trois points annoncés dans la division. La péroraison contient d'abord une brève récapitulation, enfin l'affection, morceau lyrique d'action de grâces pour les vérités énoncées (notice pour les Écrits spirituels de Fénelon, Nouveaux Classiques Larousse, 1965, p.11).


En général, le développement du sermon se fait donc autour d'un thème: par exemple, la vie éternelle, la dignité des pauvres, ou la grandeur de Dieu. Et par le biais de ce thème, le prédicateur cherche à livrer à ses auditeurs un message : éloge, encouragement, réprimande, etc. Celui qui écrit et dit un sermon prétend pouvoir guider ceux à qui il s'adresse; il veut les instruire, les édifier. La fonction du langage qui prime dans le sermon, c'est la fonction conative: le but du sermon est d'agir sur ceux qui l'entendent, de les amener à penser ou à se comporter de telle ou telle façon. Est-il difficile de réussir un sermon?
Réaction 45


Plus difficile que l'on ne pense parfois. Les procédés comme la métaphore, l'hyperbole, la comparaison figurative, l'ornement, l'évocation sont utilisés pour frapper l'imagination des auditeurs, pour les toucher. Le discours est le moins abstrait possible : les idées sont illustrées par des exemples, des anecdotes qui en général ont rapport avec la vie des auditeurs. Également, le locuteur a recours à des procédés qui facilitent la communication: clarté syntaxique, reprise syntaxique, anaphore, redondance, exposé structuré, etc. Discours très construit : rien n'est laissé au hasard. Le sermon a toujours une ligne directrice, il n'a souvent qu'un thème. Et tout doit concourir dans le texte à faire passer le message.

La forme et le contenu du sermon peuvent-ils varier selon les auditoires?
Réaction 46


En principe, le moins possible mais en réalité, tout dépend de l'auditoire. Le sermon est composé en fonction des destinataires, de leur niveau de culture, de leur classe sociale. Il s'adapte à eux: ce n'est pas un discours clos sur lui-même. Par exemple, au XVIIe siècle en France, les sermons s'adressaient la plupart du temps à un public noble et raffiné, ce qui explique que leur style était sublime; et leur raisonnement, subtil. Dans la société française de cette époque, la prédication était d'ailleurs perçue comme un spectacle et les grands prédicateurs Bossuet, Fénelon, Bourdaloue, Massillon) étaient plus célèbres que les orateurs.

Le sermon s'adapte aussi aux circonstances. Il est inséparable de son contexte social, historique, etc.

Parfois le sermon peut être aussi improvisé. C'est le cas par exemple des sermons de Lacordaire prononcés dans le cadre des Conférences de Notre-Dame.

Le sermon est lié à la Bible: il y fait toujours référence, c'est à partir d'elle qu'il s'élabore. C'est la base du sermon. Interprétation du passage cité. Mais certains prédicateurs, surtout aujourd'hui, mettent davantage l'accent sur des questions d'actualité ou sur des circonstances précises.

L'homélie se distingue du sermon en ce qu'elle est plus simple, plus libre et ne suit pas de plan rigoureux.

APPLICATION.

1. Un de vos antagonistes a commis un acte illégal. Rédiger les articles du code qui pourraient amener sa condamnation.
Réaction 47


2. Un de vos antagonistes recrute une cellule composée d'individus douteux, à sa merci. Il leur donne des ordres pour les préparer à des actes mafieux. (Ceci vous prépare à l'écriture de scénarios ou de romans d'aventure mettant en lumière les aspects policiers de certaines luttes idéologiques.)
Réaction 48


3. Un de vos antagonistes imagine les poursuites dont il pourrait faire l'objet à la suite de ses malversations. Il pèse ses chances de pouvoir réfuter en cour les arguments du procureur. (Ceci vous permet d'échafauder une défense habile sur une cause douteuse. Revoir les lieux communs de l'argumentation. Étudier le code civil et la charte des Droits et libertés.)

Réaction 49


La connaissance des enjeux idéologiques et du fonctionnement de l'esprit du public devrait faciliter l'orientation de l'écrivain parmi les situations romanesques. Que nous reste-t-il à préciser avant de passer à des oeuvres proprement littéraires? Nous allons voir comment le déroulement peut avoir sur les conclusions implicites une incidence décisive.

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