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LE TRAIT D'UNION

Toutes les langues ne pratiquent pas le trait d'union. À quoi sert-il, en fait? Vous-même, vous arrive-t-il d'en mettre? Où en mettez-vous?

Le trait d'union indique, graphiquement, que les parties qu'il assemble forment un mot unique. Mot lexical ou mot phonétique? En tout cas, pas mot graphique!

Au XVIIe, on écrivait très-humble et très-obéissant serviteur. Mais au XIXe, le trait d'union après très a disparu. On s'était rendu compte que les qualifiants s'accrochaient l'un à l'autre syntaxiquement, non lexicalement. Et pourtant... on a gardé le trait d'union du pronom postposé (apporte-le-lui), qui n'a évidemment rien de lexical, mais qui s'explique par la formation d'un mot phonétique unique. Or la même explication vaudrait pour le très- du XVIIe.

Ceci ne veut pas dire que le trait d'union n'apparaît pas dans le mot graphique, même si sa définition est de ne pas comporter d'espace, ni de trait d'union!

Césure typographique.

Le cas le plus universel (et le plus occasionnel) de trait d'union est celui de la fin de ligne, quand il s'y trouve un mot trop long. Deux règles simples couvrent la majorité des occurrences. 1. On ne coupe qu'entre deux syllabes. 2. On ne coupe pas après une seule lettre, ni avant moins de trois lettres.
En fin de ligne, où peut-on couper amour? Et alpin?
1) amour, alpin 2) a-mour, alpin 3) amour, al-pin 4) a-mour, al-pin
Réponse amour, al-pin Mais ma-mours, Alpes
Règle. Quand on arrive en fin de ligne avec un mot trop long, on le coupe à l'aide du trait d'union.
Mais On ne peut diviser un mot qu'entre deux syllabes. Ex. li-mi-ter.
Et On ne divise pas après la première lettre d'un mot même si elle est précédée d'une apostrophe (d'unir mais pu-nir).

Expl. Alpes n'est pas coupé parce qu'il n'a qu'une syllabe (le e est muet).

Que se passe-t-il quand il faut choisir au milieu de trois ou quatre consonnes?...
En fin de ligne, où peut-on couper abstrait, construit, absent, blasphème, espace?
1) ab-strait, con-struit, a-bsent, bla-sphème, e-space
2) ab-strait, con-struit, ab-sent, blas-phème, es-pace
3) abs-trait, cons-truit, ab-sent, blas-phème, es-pace
4) abs-trait, cons-truit, abs-ent, blas-phème, es-pace
Réponse abs-trait, cons-truit, ab-sent, blas-phème, es-pace
Mais Con-science, téle-scope, hélio-sphère. Et Strate, strier, struc-ture.
Règle. Quand il y a deux consonnes graphiques ou plus, on doit considérer leur degré d'ouverture (celles qui correspondent aux occlusives /p/, /b/, /t/, /d/, /k/ et /g/ sont les plus fermées; r et l sont les plus ouvertes). On divise entre deux consonnes de même degré d'ouverture, qu'elles soient identiques ou non (som-met, cap-ter). Si elles n'ont pas la même ouverture, on coupe en général devant la plus fermée (cal-quer, ac-ca-blant, ar-bris-seau).
Mais Dans ab-sent, on a une division étymologique.

Mais ne faut-il pas être phonéticien, voire disposer des outils d'un laboratoire, pour déterminer le degré de fermeture d'une consonne?

De fermeture ou d'ouverture, objecterez-vous peut-être (mais c'est la même chose). On n'a besoin pour vérifier cela que d'avoir une bouche, une gueule comme on disait au moyen âge, un gueuloir comme disait Flaubert. Car c'est elle qui va s'ouvrant et se fermant, quand on parle. Sont de même aperture (terme technique) les pbtdkg (explosives, fermeture totale et réouverture brutale), les fvsz (sifflantes, ouverture minimale), les lmnr (mouillées, ouverture nasale, par le voile du palais qui est levé) et les trois semi-consonnes : yod, w et (comme dans huit), qui sont les consonnes si ouvertes que ce sont presque des voyelles.

Peut-on couper aussi entre voyelles?...

À condition que ce soit à une limite de syllabe, donc que les deux voyelles se prononcent distinctement (hiatus). Exemple.
En fin de ligne, où peut-on couper deuxième et ayions?
1) deuxième, ayions 2) deu-xième, ay-ions
3) deux-ième, a-yions 4) deu-xième, ayi-ons
Réponse deuxième, ayions
Et réflexion, troi-sième
Règle. On ne peut diviser un mot qu'entre deux syllabes. Ex. li-mi-ter.
Mais On ne divise ni avant ni après x et y placés entre deux voyelles (taxer, croyance mais ex-cès, sy-mé-trie).
Règle. On ne divise pas avant une syllabe finale de moins de trois lettres (ha-bita mais ha-bi-tat).

Et On ne divise pas avant une syllabe finale muette (barque).

Que se passe-t-il en fin de ligne si le mot à couper contient déjà des traits d'union?

On ne divise un mot composé qu'à son trait d'union (sous-marin, homme-grenouille).

Toutefois, si c'est possible, on évite de couper dans des séquences comme dit-il ou prend-elle.
De plus, s'il y a deux traits d'union déjà et très proches, on ne divise qu'au premier des deux, mais cela devient de l'esthétique typographique : c'est afin d'éviter deux traits d'union rapprochés en fin de ligne (c'est-/à-dire, cria-/t-il). On évite aussi de diviser après une apostrophe (au-jour-d'hui, pres-qu'île), mais ce n'est plus pour des raisons esthétiques : ce serait couper à l'intérieur d'une syllabe. La graphie est plus proche de la sonorité que du lexique...

Y a-t-il des particularités concernant la coupe typographique des noms propres?
En fin de ligne, où peut-on couper Unesco et J.-Cl. Corbeil?
1) Unes-co, (Entre le nom et le prénom) 2) Unesco, (Entre le nom et le prénom)
3) Unes-co, (Nulle part) 4) Unesco, (Nulle part)
Réponse Nulle part.
Règle On ne divise ni les abréviations, ni les sigles, ni les acronymes, ni les nombres écrits en chiffres (approx., U.R.S.S., Benelux, 27 340,25).
On ne sépare pas non plus des noms propres qui les suivent les initiales de prénoms et les abréviations de titres (J.-P. Dupont, Mme Lord).
Et
On ne sépare pas les nombres écrits en chiffres des symboles qui les accompagnent ni les différents éléments d'une date (4 x 20 cm, 3 juin 1948).
Remarque. Si c'est possible, on évite aussi de séparer le nom du prénom, même si ce dernier est écrit au long.

Le trait d'union comme marque de la cohérence du syntagme.

Les pronoms postposés à leur verbe appartiennent au même syntagme. On sait que la délimitation des mots phonétiques s'obtient par un allongement de la syllabe finale. D'habitude, cet accent tonique tombe sur la fin du noyau lexical (Tu le lui app o rtes). Où ira-t-il en cas d'inversion? Restera-t-il sur o ? Se déplacera-t-il sur le pronom?

Il se déplace, car la règle de la délimitation des mots phonétiques reste partout présente et nécessaire, voire instinctive. Mais c'est un phénomène sonore. Comme il n'a aucune marque graphique, on se sert du trait d'union pour éviter toute hésitation, on l'a vu plus haut (chap.2, Formes verbales). La règle est assez simple.
Sur ma table de travail, il y a un dossier. Apporte___le___moi! Va___me chercher le journal! Allez, vas___y!
1) -, 0, 0, - 2) -, -, 0, 0 3) -, 0, -, - 4) (Autre chose)
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Réponse Autre chose: Apporte-le-moi, Va me chercher, vas-y.
Remarque. Il faut un trait d'union entre le verbe et le pronom personnel qui suit et qui s'y rapporte (ainsi que on, ce, en et y).

Cette liste est exactement celle de tous les actualisateurs du verbe. Ils sont atones mais grâce aux traits d'union, le groupe est comme un mot composé et l'on sait donc ainsi que même si la dernière syllabe est un morphème normalement atone, il faut l'allonger puisqu'elle devient finale de groupe. S'il y a plusieurs actualisateurs après un verbe, on met autant de traits d'union, à condition qu'ils se rapportent bien à ce verbe-là (sinon, ils ne seraient plus dans le même syntagme). Résumons : le trait d'union peut servir de marque de la cohérence syntagmatique. Il correspond à un déplacement de l'allongement de la syllabe finale, qui se porte sur le pronom, même atone, en vue d'indiquer son appartenance au syntagme. Comp. Tu l'apportes. / Apporte-le.
Fais ______ recommencer.
1) le lui 2) -le-lui- 3) le-lui- 4) -le-lui
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Rép. Fais-le-lui recommencer.
Mais Laisse-le lui répondre.
Expl. Même si le, lui sont les actants de recommencer, ils sont à rattacher à Fais car c'est une voix causative, donc un auxiliaire par lequel on conjugue le verbe recommencer.
Et Comparer Allez vous en redemander, où vous et en sont aussi les actants de l'infinitif mais allez est resté lexical et Allez-vous en redemander?, où vous est actant de allez.
Règle Le trait d'union est une marque d'appartenance au mot phonétique, donc au groupe syntaxique.
Ex. Rends-le-nous dès que tu pourras.
Rem. Le critère de la voyelle allongée est très net aussi : Fais-le-lui / recommencer. Allez / vous en redemander.

Avec même, le groupe s'étoffe.
Son chat? Mais c'est celui__là__même! Il me l'a dit lui__même.
1) -, -, - 2) -, 0, - 3) 0, -, 0 4) -, 0, 0
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Réponse celui-là même, lui-même
Mais Mettez celui-ci là.
Et Le lion? C'est cet animal même qui aurait donné naissance au Sphinx.
Règle. Même précédé d'un pronom personnel s'y attache par un trait d'union. Ex. Faisons-le nous-mêmes.
Mais On écrit : la bonté même, les mêmes, ceux-là même. La prononciation place bien l'indéfini même dans le mot phonétique mais... la règle n'est pas appliquée comme avec les pronoms personnels. Sans doute les grammairiens ont-ils attribué la règle à la présence d'un pronom personnel, et non à la cohésion sonore.
Et Celui-là est un pronom démonstratif.

Trait d'union après un préfixe.
Entr____emps, il y eut un contr____emps.
1) e-t, e-t 2) et, et 3) e-t, et 4) et, e-t
13 
Réponse Entre-temps, contretemps
Mais Sur ces entrefaites, apparut à l'horizon un contre-torpilleur.
Règle. L'usage est flottant. En général, dans les mots composés anciens, entre se soude à la 2e partie (et perd son e devant une voyelle). Dans les composés récents, entre est encore suivi d'un trait d'union.
Ex. Entrebande, s'entredéchirer, s'entredétruire, entredeux, s'entredévorer, s'entre-frapper, s'entrégorger, s'entre-haïr, s'entre-heurter, entrejambe, entre-ligne, s'entre-louer, s'entre-manger, entre-rail, entre-temps, entrevoie. Mais: s'entr'aimer.
Remarque. Tous ces termes peuvent aussi s'écrire en un seul mot selon la Réforme de 1990, même si certains correcteurs informatisés n'en tiennent pas compte.
C'est un exemple arch__onnu.
1) i-c 2) i c 3) (1 ou 2, au choix) 4) ic
14 
Réponse archiconnu
Mais Ce sont des anti-inflammatoires. Et C'est un exemple quasi inconnu.

Règle. Employés comme préfixes, anti, archi, bi, co, inter, juxta, pré, super, télé, trans, ultra... s'unissent au mot qui suit sans trait d'union.

Trait d'union dans les mots composés.
Tout__à__coup, j'aperçus un arc__en__ciel.
1) -, -, -, - 2) -, -, 0, 0 3) 0, 0, -, - 4) 0, 0, 0, 0
15 
Réponse Tout à coup, arc-en-ciel
Règle. On met dans l'espace qui sépare les mots un trait d'union pour faire d'un groupe caractérisé par une unité de sens un mot unique. Ex. Remonte-pente, musculo-membraneux, vis-à-vis de soi-même, mont-de-piété (établissement de prêt sur gage).
Mais L'usage est parfois instable: Un je-m'en-fichiste mais du je ne sais quoi (Acad.), au-dessous, par-dessous mais en dessous.
Chez___nous aussi, les petits à___côté, c'est le plus important...
1) -, - 2) -, 0 3) 0, - 4) 0, 0
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Réponse Chez nous, à-côté
Règle. En général, les expressions substantivées prennent des traits d'union.

Ex. Un à-côté, un oeil-de-perdrix, un chez-soi, un à-peu-près, avec à-propos, un tête-à-tête, le tic-tac.
Mais Å côté de chez moi. Un feu de joie. A peu près rien. Å propos de tout.
En__deçà du maître__autel, en__dessous d'une niche qui est vis__à__vis du jubé, on peut lire la signature du maître__maçon.
1) -, -, -, -, -, - 2) 0, -, 0, -, -, 0 3) 0, -, 0, -, -, - 4) -, 0, -, 0, 0, -
17 
Réponse En deçà, maître-autel, en dessous, vis-à-vis du, maître maçon.
Règle. Les mots composés s'écrivent soit en deux mots, soit avec un trait d'union, soit en un seul mot (céleri rave, chou-rave, betterave) suivant que l'usage considère les éléments comme syntaxiquement distincts, formant une unité de sens ou formant un nouveau mot lexical.
Toutes les sorties de fonds, sans exception, doivent être autorisées par le président___directeur___général.
1) 0, 0 2) 0, - 3) -, 0 4) -, -
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Réponse président-directeur général
Mais En l'absence du président, c'est le vice-président qui animera la rencontre des directeurs adjoints.
Et "Immeuble de luxe pour P.D.G. à la retraite", avait dit à peu près l'annonce.
Remarque. Dans les titres de fonction, quand l'un des éléments qualifie l'autre (un nom et un qualificatif, ou deux noms dont l'un est qualifiant), on ne met pas de trait d'union. Ex.: directeur adjoint, apprenti plombier.
Explication. Cet exemple-ci illustre les deux règles à la fois (général qualifie directeur, donc pas de trait d'union; mais président et directeur sont indépendants).

Supposons que ce P.D.G. soit un ancien militaire, avec le grade de général. Faudrait-il écrire Président-Directeur-Général? Ce serait lui donner simultanément les trois titres et supposer qu'il officie à la fois comme président, comme directeur et comme général. Mais avec deux trait d'union, il ne serait plus que directeur sans plus, et général, non pas "directeur général". Telle est l'implication subtile de l'absence du second trait d'union!
La galerie___boutique a été ouverte par de jeunes artistes___peintres du quartier.
1) 0, 0 2) 0, - 3) -, 0 4) -, -
19 
Réponse galerie-boutique, artistes peintres
Mais Les trois jeunes peintres-graveurs ont eu le malheur de signer un contrat avec une galerie fantôme.
Règle. Deux substantifs peuvent former un nom composé à condition que l'un ne soit pas le simple qualifiant de l'autre.
Ex. Émetteur-récepteur, laveuse-sécheuse, porte-fenêtre (les deux lexèmes sont sur le même pied).

Il semble que ces règles, loin de frôler l'arbitraire, répondent au souci de marquer graphiquement des phénomènes sémantiques. Entre "peintre" et "graveur", il y a intersection; entre "artiste" et "peintre", inclusion. Ce dernier cas montre une subordination de peintre à artiste, donc un lien grammatical (épithète). Ce lien dispense du trait d'union, qui crée un lien de nature lexicale. De même pour le je ne sais quoi, car je est bien le locuteur et c'est donc son acte de parole qui est inséré en lieu et place du lexème attendu (comme si on cherchait le bon mot sans le trouver). En revanche, dans le je-m'en-fichisme, il faut lexicaliser, à cause du suffixe; d'ailleurs le je ici est celui d'un tiers.
D'ici__là, elle ira comme__ci comme__ça. On ne peut rien là__contre.
1) -, -, -, - 2) -, 0, 0, - 3) 0, -, -, 0 4) 0, 0, 0, 0
20 
Réponse d'ici là, comme ci comme ça, là contre
Mais De-ci, de-là; par-ci, par-là.
Et Elle annonce un coeur et tu la contres. De là, l'hésitation de son partenaire. Ou Quand il t'a vu sourire, c'est par là qu'il a su qu'il valait mieux passer.

Remarque. De-ci, de-là et par-ci, par-là, locutions adverbiales avec trait d'union, à distinguer des groupes de là, par là, où de et par ont pleine valeur de préposition. On a: Il doit passer par là («par ce chemin»).
Il déclara ex__professo que les deux coureurs étaient arrivés ex__aequo.
1) -, - 2) 0, - 3) -, 0 4) 0, 0
21 
Réponse ex professo, ex aequo
Ou ex cathedra
Remarque. Employé comme préfixe au sens d'«ancien» (suivi d'un nom), ex est joint par un trait d'union (l'ex-député); dans les locutions adverbiales latines, il est séparé (ex professo, ex cathedra, ex aequo, ex abrupto).

Le trait d'union dans les nombres.
Il est venu une bonne moitié des candidats, disons les troi____inquièm__.
1) s c, e 2) s c, es 3) s-c, es 4) (Au choix, mais de préférence 3)
22 
Réponse trois cinquièmes Ou ... disons soixante pour cent. Et C'est trois cinquante pour un aller-retour.
Mais Ils étaient cinquante-trois.
Et Les dividendes seront des trois cinquante-troisièmes de la valeur nominale des actions.
Remarque. Dans une fraction, on ne met pas de trait d'union entre le numérateur et le dénominateur (en notation chiffrée, entre le nombre du haut et celui du bas). Il ne s'agit pas d'un mot composé.
Et On distingue donc les deux centièmes (2/100) et le (un) deux-centième (1/200).

Le trait d'union dans les noms de couleur.
Elle a acheté des gants bru__ __ roug__.
1) n , e 2) ns , es 3) n-, e 4) ns-, es
23 
Réponse brun-rouge
Et Des oiseaux gris-bleu, des eaux bleu-vert...
Mais bruns et rouges (une paire de bruns et une paire de rouges, ou plusieurs paires)
Ou brun et rouge (une paire rouge par endroits, brune ailleurs)
Et des gants bruns, rougis par la latérite.
Règle. Toutes les expressions composées désignant la couleur restent invariables.
Remarque. C'est le cas des qualificatifs de couleur employés ensemble pour identifier une teinte intermédiaire.
Et Deux qualificatifs de couleur employés ensemble s'unissent par un trait d'union et restent invariables. (Le brun-rouge est une seule couleur, d'un brun qui tire vers le rouge.)

Grand et saint.
Il a son diplôme mais il ne dit pas qu'il l'a obtenu à gran___peine.
1) de 2) d 3) de- 4) d-
24 
Réponse à grand-peine
Mais Le décès de son beau-père a plongé toute la famille dans une grande peine.
Règle. Grand reste invariable et est suivi du trait d'union dans un certain nombre d'expressions anciennes formées de noms féminins: grand-chose, avoir grand-faim, grand-mère, grand-messe, à grand-peine, grand-place, grand-route, grand-voile... La graphie avec apostrophe est archaïque.
Et Grand officier, grand prêtre, grand prix, grand vizir, sans trait d'union. (Ce sont des noms masculins.) Mais Grand-père, grand-oncle, etc., par analogie avec grand-mère, etc.

Grand peut aussi s'employer comme simple adjectif, sans former de composé lexical. Il s'accorde et on ne met pas de trait d'union. Comparez une grand-mère et une grande mère, à grand-peine et sans grande peine, la grand-route et une grande route.
Antoine de Saint__Exupéry survolait régulièrement Saint__Sébastien.
1) -, - 2) 0, - 3) -, 0 4) 0, 0
25 
Réponse Saint-Exupéry, Saint-Sébastien
Mais Celui qui fut crucifié la tête en bas est saint Pierre.
Règle. Saint est suivi d'un trait d'union lorsqu'il fait partie d'un nom propre (toponyme, nom de personne...)
Mais Devant le nom d'un personnage qu'il qualifie comme un titre, il ne prend pas de trait d'union.

Il y a beaucoup de liberté pour l'orthographe des noms propres de personnes. Comme Saint-Exupéry lui-même signait sans trait d'union, certains de ses livres sont publiés avec cette graphie, inusuelle. Si ce nom lui avait été vraiment propre (exclusif), il aurait eu le droit d'en établir la graphie (encore aurait-il fallu obtenir de l'État civil une modification des registres).

Trait d'union et toponymes (noms de lieu).
Quelle distance y a-t-il entre la rue Victor___Hugo et l'avenue de la Reine___Victoria?
1) (Rien), (Rien) 2) (Rien), - 3) -, (Rien) 4) -, -
26 
Réponse la rue Victor-Hugo, l'avenue de la Reine-Victoria
Mais Avez-vous lu Notre-Dame de Paris de Victor Hugo?
Et La venue de la reine Victoria donna lieu à des réjouissances.
Règle. L'élément spécifique d'un nom de rue (p. ex. des Anciens Combattants dans rue des Anciens-Combattants) prend un trait d'union entre chacun de ses constituants.

L'élément spécifique d'un toponyme, s'il est composé d'un prénom et d'un nom, d'un prénom double, de deux noms, d'un nom ou d'un prénom précédé d'un titre, d'un qualificatif ou d'un diminutif prend un trait d'union entre chacun de ses constituants. Ex. Avenue Louis-Joseph, rue Baldwin-Cartier, place Sir-Adolphe-Routhier, chemin du Grand-Meaulnes.

Abandon du trait d'union.

Si le trait d'union ne sert qu'à compliquer inutilement l'orthographe, il serait préférable de l'abandonner, comme d'aucuns le souhaitent. Si vous étiez de l'Académie, voteriez-vous en faveur de cet abandon? Si vous êtes pour le maintien, quelles sont vos raisons?
27 

Des emplois ci-dessus, il semble se dégager quelque chose qui justifie le maintien. Tentons une analyse.

Dans le nom de rue, le trait d'union transforme l'ensemble des spécifiques en une désignation propre unique, substance qualifiante du générique rue, place, etc. Il rassemble donc des éléments internes au groupe syntaxique qui pourraient passer pour constituant un groupe distinct. Il joue donc un rôle très utile : il opère graphiquement ce que l'allongement syllabique fait au niveau sonore. Il délimite de l'intérieur, en réunissant ses parties constitutives, le groupe syntaxique. Définition : le trait d'union est une marque graphique du syntagme réduit à un lexème.

Sa valeur dans les numéraux est analogue. On a pu s'étonner que seuls les numéraux cardinaux moindres que cent aient dû s'allier par des traits d'union (cent trente-trois). L'absurdité est levée si l'on observe qu'au-delà de cent, les nombres n'avaient pas été réduits encore (à l'époque où est apparue la règle) au statut de mots grammaticaux. On dit encore : des mille et des cent, du reste, comme on dit des millions et des milliards. Il est normal qu'aujourd'hui, où les mille et les cent sont devenus monnaie courante (effet de la dévaluation et de la mondialisation), on ne voie plus de différence entre cent trois et trente-trois. Tous les cardinaux vont donc pouvoir, depuis les Rectifications, s'agencer par trait d'union, ce qui a pour effet de donner à l'ensemble du numéral son statut d'élément unique à l'intérieur du syntagme. La différence avec le nom de rue, c'est que la fonction y était qualifiante alors qu'ici les éléments unis actualisent.

D'autres actualisateurs se joignent graphiquement à leur noyau : les pronoms postposés (dis-le-moi). Ce n'est pas pour marquer qu'ils doivent se réunir pour jouer leur rôle, cette fois, mais du fait que leur place normale est de précéder. Le noyau, verbe conjugué, reçoit sur la dernière syllabe un allongement syllabique qui marque la clôture du groupe, habituellement. Ici, cet accent se reporte sur le dernier pronom. La fin du groupe est reportée. Les traits d'union l'indiquent graphiquement.

Que dites-vous du trait d'union dans ce train de voyageur-ci, cette cheminée de pierre-là? A-t-il encore un rôle "syntagmatique"?
28 

Oui. Il est encore plus visible. Le morphème qualifiant -ci, -là, complète l'actualisateur initial du groupe (ce... -ci, cette... -là). Il a besoin d'un trait d'union pour que le lecteur ne risque pas de donner au groupe une finale allongée prématurée, qui ne l'inclurait pas.

Y a-t-il des emplois stylistiques, libres, expressifs, pour le trait d'union?
29 

Oui. Supposons par exemple qu'on ajoute au noyau un lexème de même nature, qui partage avec lui le rôle de noyau et devient la fin du syntagme. Il opina-sourit-bâilla écrit Joyce. On voit le rôle du trait d'union doublement justifié: les valeurs sémantiques des termes en présence sont mises sur le même pied et le noyau se prolonge jusqu'à la fin du groupe. On dira que c'est de la littérature mais le lexème composé est courant pour des substantifs. Un homme-grenouille a un seul référent que ses deux substantifs désignent ensemble, à égalité. Ils deviennent aussi un substantif unique, par sa fonction éventuelle comme par son noyau, double mais ne servant à former pourtant qu'un seul groupe.

Pourquoi, dira-t-on, président-directeur mais directeur adjoint? Quelle est la relation établie entre les deux lexèmes? Sont-ils des substances ou des qualités?
30 

Quand le lexème attaché à un nom est qualifiant, il s'y attache comme qualité. C'est un qualificatif. Il ne forme pas un nom composé. S'Il est substantif, par contre, il peut partager la fonction de noyau à égalité avec le premier substantif, ce qui demande une marque graphique.

L'examen de quelques autres prétendues anomalies confirme ce rôle "syntagmatique" du trait d'union. On dénonce traditionnellement une incohérence dans au-dessus, là-dessus et en dessous, le dessous. Remontons d'abord aux origines pour extraire sur et sous de ces assemblages. Ils sont prépositions (mots grammaticaux servant de lien). Précédés de de, ils ne peuvent garder leur nature de lien puisqu'un lien minimal et typique les précède. Ils deviennent des noyaux. L'ensemble peut devenir qualifiant. Ex. Sur la table? Oui, dessus. Dépose tout sur cela... Oui, là-dessus.

Pourquoi écrit-on dessus et pas de-sus?
31 

Le composé dessus est assez étoffé pour devenir groupe qualifiant et, dès l'ancien français, adverbe (écrit d'emblée sans trait d'union vu la liberté de la langue ancienne). On l'a longtemps confondu avec la préposition (J'ai cherché dessus et dessous le lit).

Dans le dessus, étape de transformation supplémentaire, il est actualisé et devient noyau nominal, donc nom. On peut alors l'accrocher avec à ou de. Au-dessus, du dessus. Pourquoi, dans un composé, l'ancien sur ne prend-il pas toujours le trait d'union? Dans du dessus, le qualifiant dessus devient noyau. Aucune raison de placer une marque de cohésion entre lui et son actualisateur, qui le précède. C'est normal.

Mais dans au-dessus? Si l'on compare Un coffret avec un dragon peint au-dessus avec un dragon est peint au dessus du coffret, par exemple?
32 

On l'oublie ce trait d'union-là. C'est bien naturel : parfois, il le faut, parfois non. Comme groupe complément, on a lien et un article (au = à + le). On dirait mieux sur le dessus du coffret, toutefois, malgré la redondance (sur...sus). Mais c'est aussi pour éviter de le confondre avec l'autre forme : un au-dessus grammaticalisé et devenu adverbe (d'où son trait d'union). Finalement, la norme est de mettre toujours le trait d'union. Le groupe est perçu comme qualifiant, sans doute, même si un groupe prépositionnel suit. Le dragon est au-dessus. Le trait d'union le rend semblable à un mot unique, il peut joindre plus facilement les rangs des adverbes.

Sans doute mais alors en dessous? Encore une belle incohérence de la langue française?

-- Il est déjà adverbe, comme toute les expressions avec en.

Mais encore : en dessous de?

-- Inutile de marquer que le groupe doit se lexicaliser pour entrer dans un lien, car pour un groupe qualifiant, entrer dans un lien est normal (avant de, après que, etc.)

La langue peut-elle vraiment se révéler logique et systématique à un tel point?

-- Oui, sinon on ne parlerait pas de clarté française! Il est vrai que l'Académie écrit en-dessus... Mais cet adverbe est en désuétude.


LE TRAIT D'UNION 1

Césure typographique. 1

Le trait d'union comme marque de la cohérence du syntagme. 3

Trait d'union après un préfixe. 4

Trait d'union dans les mots composés. 4

Le trait d'union dans les nombres. 6

Trait d'union et toponymes (noms de lieu). 7

Abandon du trait d'union. 7

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