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LA TRAGÉDIE ET LE DRAME

Informations.
  1. Temps et lieux.
  2. Auteurs et oeuvres.
  3. Définition et fonction dans la société.
  4. Origines et postérité.
  5. Bibliographie.
Extraits. Antigone.
Le Cid.
Macbeth.
Hernani.
Procédés typiques. Ingrédients.

1. Temps et lieux.

Début et fin. La tragédie est née en Grèce au VIe siècle avant J.C. C'est une genre étroitement lié à la mythologie gréco-latine, à l'idée de destin et de liberté. Aussi a-t-elle disparu au Moyen Âge. Elle est florissante à la Renaissance (Calderon, Shakespeare, Corneille), puis à la période romantique (Schiller, Hugo). Elle connaît un regain d’intérêt au XXe siècle (Brecht, Anouilh, Sartre, Camus). On la retrouve aussi dans l'opéra (Verdi), dans le roman (Dostoïevski), et au cinéma (Tennessee Williams).
Lieu. Grèce antique, Rome antique, Angleterre (XVIe s.), Italie (XVIe-XVIIIe s.), Allemagne (XVIIe-XVIIIe s.), France (XVIIe-XXe s.)

2. Auteurs et oeuvres.

Eschyle (v.-525 à -456, Grec), Agamemnon; Sophocle (-496 à -406, Grec), Oedipe roi.
Euripide (-480 à -406, Grec), Médée.
Sénèque (-4 à 65, Romain), Les Troyennes.
Trissino (1478-1550, Italien), Sophonisbe.
l'Arétin (1492-1556, Italien), Orazia.
Thomas Sackville (v.1530-1608, Anglais) et Thomas Norton (1532-1584, Anglais), Gorboduc (oeuvre commune).
Étienne Jodelle (1532-1573, Français), Cléopâtre captive.
Robert Garnier (1544-1590, Français), Les Juives.
Christopher Marlowe (1564-1593, Anglais), Le Juif de Malte.
William Shakespeare (1564-1616, Anglais), Le Roi Lear.
Montchrestien (v.1575-1621, Français), L'Écossaise.
Tristan L'Hermite (v.1601-1665, Français), Marianne.
Pierre Corneille (1606-1684, Français), Le Cid.
Jean Rotrou (1609-1650, Français), Saint Genest.
Lohenstein (1635-1683, Allemand), Cléopâtre.
Jean Racine (1639-1699, Français), Phèdre.
Scipione Maffei (1675-1755, Italien), Mérope.
Voltaire (1694-1778, Français), Mahomet.
Vittorio Alfieri (1749-1803, Italien), Philippe II.
Goethe (1749-1832, Allemand), Iphigénie en Tauride.
Schiller, Don Carlos, Kleist, Prinz von Hombourg.
Alexandre Soumet (1788-1845, Français), Jeanne d'Arc.

3. Définition et fonction dans la société.

La tragédie a souvent été considérée comme le plus grand genre dramatique, le plus noble, par opposition à la comédie. Ce jugement un peu facile et injuste peut s'expliquer par une impression que la tragédie donne toujours au spectateur (et au lecteur), celle d'un éloignement. Il s'agit d'un des traits fondamentaux de la tragédie: elle élabore en effet un monde textuel (" s'incarnant " par la suite dans une mise en scène) qui crée une distance par rapport à la réalité quotidienne, prosaïque. Cet effet de distance s'obtient de plusieurs façons: par le choix du sujet, emprunté soit à l'Histoire, soit à la légende (mythologie gréco-romaine ou chrétienne); par le choix des personnages (lié évidemment à celui du sujet), qui sont toujours illustres, nobles (rois, princes, héros, etc.); par le choix de grands thèmes: le pouvoir (problème de sa légitimité), la justice, l'honneur, l'amour-passion, etc.; par le recours à un langage châtié, à un style élevé (noblesse de l'alexandrin, beauté des images, etc.). Le fait que la tragédie se joue à distance a pour conséquence d'agrandir, d'amplifier, de sacraliser même ce qui y est représenté.

L'action que représente la tragédie est toujours pathétique et tragique (le tragique n'est pas inséparable de la tragédie: cf. 6): elle est propre à émouvoir le spectateur, à susciter chez lui la pitié ou la terreur (c'est la " catharsis " d'Aristote, concept que du reste l'on n'a jamais réussi à définir clairement). Mais cette action a ceci de particulier qu'elle est toujours liée à la présence d'une transcendance, d'une puissance qui domine le personnage tragique et sur laquelle celui-ci n'a pas de contrôle. Cette transcendance peut être figurée par une divinité (v.Eschyle et Sophocle), par une passion (v.Euripide, Shakespeare et Racine) ou par des valeurs imposées par un ordre social (v.Corneille). Elle provoque la perte, la déchéance du héros; elle le condamne à une existence fermée, sans d'autre issue que la mort. S'il veut combattre, c'est en pure perte: il n'a pas de prise sur les événements, il ne peut agir sur eux; ce sont plutôt eux qui agissent sur lui, révélant par le fait même son impuissance et sa misère (dans les tragédies grecques, les personnages sont punis pour avoir commis une faute, à cause de leur " hybris ", leur orgueil, leur démesure; dans les tragédies anglaises et françaises, la faute semble plutôt originelle, les personnages sont condamnés de naissance). La tragédie met donc à nu la vanité, la misère irrémédiable de l'homme, tout en cherchant à sacraliser cette misère selon une esthétique de la distance.

Dans la tragédie, il n'est pas permis d'espérer, les jeux sont faits, tout est sous le signe de la fatalité. C'est là une des caractéristiques qui la distingue du drame (historique ou romantique). Dans l'univers du drame, le héros a la possibilité de modifier le cours de son existence, il y a une ouverture, un espoir; son combat n'est pas inutile; il n'agit pas sous l'emprise d'une instance supérieure, mais selon sa volonté, son désir. L'Antigone de Sophocle n'agit pas pour elle, mais pour faire respecter les lois archaïques des dieux; par comparaison, Hernani, héros romantique, lutte pour lui-même, non pour être fidèle à des principes, des valeurs qui lui ont été imposés de l'extérieur.

La tragédie a connu son premier épanouissement dans la Grèce antique, au Ve siècle av. J.-C. La cité grecque en était alors à une période charnière de son histoire: de nouvelles formes de pensée (politique et sociale) s'affirmaient et étaient en train de remplacer les vieux mythes sur lesquels s'était fondée jusqu'alors l'existence individuelle et collective. La tragédie s'est ainsi chargée de représenter le conflit entre les traditions religieuses et mythiques et les nouvelles conceptions du monde. Elle a repris les héros légendaires, non pour en faire des modèles comme dans l'épopée, mais plutôt pour en faire des problèmes. Elle les a montrés déchirés entre les valeurs anciennes et les nouvelles valeurs de la cité. Ainsi, dans la tragédie, et l'univers mythique et le monde de la cité se trouvaient remis en question, devenaient problématiques. La tragédie faisait partie des événements d'une fête collective organisée par l'État (les dionysies). Le concours tragique, qui opposait trois auteurs de tragédies, se présentait comme une cérémonie à laquelle toute la cité était invitée non seulement à assister mais aussi à participer en votant pour le meilleur auteur. C'était donc un événement démocratique qui favorisait la cohésion civique.

La résurrection de la tragédie à la Renaissance est due en grande partie aux traductions et interprétations de La Poétique d'Aristote; c'est donc par les théoriciens qu'elle est revenue " à la mode ". D'ailleurs, du XVIe au XVIIIe s., la théorie a eu une très grande importance: on a cherché à codifier la tragédie, on l'a encombrée de règles arbitraires (ex.: la " vraisemblance " et les" bienséances " pour la tragédie classique) dans un souci de perfection esthétique et morale; on voulait à tout prix restituer à la tragédie sa grandeur et sa noblesse d'autrefois. Conséquence: les tragédies composées durant ces trois siècles sont tombées souvent dans l'académisme.

L'époque classique en France (XVIIe s.) constitue un grand moment pour la tragédie. Le théâtre en général avait réussi à s'implanter définitivement dans les loisirs de la société, et la tragédie dans ceux de l'aristocratie, qui ne pouvait être qu'en accord avec les valeurs d'honneur, de gloire, d'absolutisme moral qui sous-tendaient les pièces tragiques. Ainsi, contrairement à la tragédie grecque qui s'adressait au peuple, la tragédie classique avait pour public l'élite de la société. On retrouve dans ce théâtre des personnages aux prises avec un conflit intérieur: ils sont déchirés entre leurs intérêts sociaux, politiques et leurs désirs, leurs aspirations intimes (conflit entre la morale et l'amour). Ils doivent faire un choix et sacrifier une part d'eux-mêmes. Cette idée de sacrifice est fondamentale: elle illustre l'impossibilité pour l'individu d'accéder au bonheur, d'accéder à lui-même. La tragédie classique, par sa régularité et sa noblesse, était un reflet de l'idéal d'ordre et d'unité de la société française de l'époque.

" Corneille atteint à sa maîtrise propre du premier coup dans l'acte V d'Horace. Du point de vue de la structure théâtrale, cet acte tout entier est inutile (le conflit essentiel a été résolu et le meurtre de Camille est une violence gratuite); mais il montre comment les mots, en politique, peuvent chasser l'humaine raison (...) le suicide est élevé à la dignité de patriotisme:

Permettez, ô grand roi, que de ce bras vainqueur
Je m'immole à ma gloire et non pas à ma soeur. (...)

La Syrie de Rodogune, le royaume lombard de Pertharite, le royaume des Parthes dans Suréna... donnaient précisément à Corneille le genre d'intrigue dont il avait besoin....intrigue obscure et catastrophe violente... Les critiques, à l'exception brillante de Brasillach, ont négligé les dernières pièces de Corneille mais notre époque, où la rhétorique politique a fait tant de ravages, devrait reconnaître la force de la vision de Corneille..... Il n'existe pas de théâtre politique plus pénétrant ni plus vigoureux." (G. Steiner, la Mort de la tragédie, p.45-46.)

Au XVIIIe siècle, suivant les théoriciens qui prônent la distinction soigneuse des genres, la tragédie doit toujours conserver ses traits distinctifs. "Voltaire rejette de la tragédie tout ce qui peut sentir le lyrisme, et Marmontel en exclut le délire prophétique qui est le propre de l'Ode" (Cf. Marmontel, Éléments de litt., au mot style; la citation est de G.Lote, Hist. Du vers fr., t.9, p.13).
"Le poète, dit à son tour Domairon (Poétique française, p.337) ne doit jamais se montrer. Ainsi, tout ce qui est visible de l'art et du travail, ces figures oratoires, ces riches comparaisons pompeusement étalées, ces élans lyriques, fruit d'une imagination échauffée, sont totalement bannis des pièces de théâtre, même de celles dont le sujet est grand et élevé. " (Ibidem) Voltaire admet la métaphore, si elle est spontanée, mais pas la comparaison, trop rhétorique. Il considère les sentences, chères à Sénèque et à Corneille, comme un défaut (elles sont trop didactiques). Le prosaïsme aussi est récusé. " La diction doit être naturelle, déclare Marmontel (au mot drame), mais de ce naturel que le goût rectifie, où il ne laisse rien de froid, de négligé, de diffus, de plat, d'insipide... "
Il s'en fallut de peu que l'alexandrin cesse d'y être la règle car la prose avait moins d'artifice à la scène, mais le prestige du passé, entretenu par Voltaire, l'emporta. La prose eut plus de succès dans la comédie, sans l'emporter toujours; celle-ci devint larmoyante avec La Chaussée, dont on se moqua, mais qui finit par l'emporter car son innovation allait dans la direction du drame bourgeois. Dans l'opéra-comique, création du XVIIIe siècle, les parties chantées sont en vers (Pièces à ariettes) et les dialogues, propres à dénouer les situations, en prose. Les pièces " en vaudevilles " ont des couplets qui se chantent sur des airs déjà connus. Leur succès recule bientôt devant celui des pièces à ariettes mais l'opéra comme l'opéra- comique seront bientôt absorbés par la musique.

4. Origines et postérité.

Origines. Les origines de la tragédie n'ont pas encore été déterminées clairement. Ce que l'on sait, c'est qu'elle s'est développée à la faveur de concours dramatiques organisés dans le cadre des fêtes en l'honneur de Dionysos à Athènes. Cet épanouissement dans un contexte religieux et civique laisse supposer qu'elle serait issue des cérémonies cultuelles qui avaient été jusqu'alors au coeur des activités de la cité: les rites festifs en l'honneur de Dionysos (ex.: les dithyrambes), les cérémonies funéraires et le culte des héros. La tragédie aurait emprunté à ces cérémonies le langage symbolique (verbal et gestuel) qu'elles mettaient en scène, pour créer une nouvelle sorte de représentation dont l'objet n'est plus le divin, mais l'humain. C'est par l'adjonction d'acteurs au choeur qui était seul à l'origine que la tragédie s'est constituée. Elle a pris à l'épopée ses histoires héroïques et à la poésie lyrique la structure de ses chants.

Son rôle politique a aussi été un facteur déterminant. Dans l'Athènes des citoyens, le vote devait être éclairé. Rassembler les électeurs en leur versant au besoin une journée de travail pour les libérer, c'était s'assurer qu'ils puissent réfléchir ensemble aux intérêts collectifs sous une forme assez imagée, avant de les amener à entendre des discours plus électoraux.

Postérité. Le XVIIIe siècle a été marqué par la montée de la bourgeoisie. Cette nouvelle classe sociale s'était imposée petit à petit dans tous les domaines, y compris le théâtre. Donc: un nouveau public, de nouvelles exigences. La distance sacralisante de la tragédie classique, son univers éthéré, situé hors du monde, du réel, ne convenait plus à ce public. tragédie des moeurs privées ".Il s'agissait pour eux de rapprocher le théâtre du monde en rejetant les règles artificielles de la poétique classique (unités, vraisemblance, bienséance, séparation des genres), en situant l'action dans un décor contemporain et en traitant de problèmes actuels. Leur drame bourgeois n'a cependant pas été très convaincant dans la pratique. Il faudra attendre le XIXe siècle pour que ces idées donnent des résultats intéressants en ouvrant la voie à de nouvelles formes dramatiques comme le drame psychologique qui compte entre autres comme représentants August Strindberg (1849-1912, Père) et Anton Tchekhov (1860-1904, La Mouette), et, au XXe siècle, Jean-Paul Sartre (1905-1980, Huis clos) et Jean Anouilh (1910-1987, Le Voyageur sans bagages).

En Allemagne, puis en France (et dans le reste de l'Europe), le romantisme va aussi proposer une nouvelle forme dramatique s'inscrivant contre la tragédie classique et se réclamant de Shakespeare: c'est le drame romantique. La contestation prend ici une autre direction que le drame bourgeois: celle de l'éclatement des formes (vers, structure dramatique, etc.), du mélange des genres (le sublime et le grotesque), du lyrisme flamboyant. Il s'agit souvent de grandes fresques historiques. L'esthétique de la distance est donc conservée. Au fond, ce qui différencie principalement cette forme de drame de la tragédie, c'est l'absence de fatalité. Principaux auteurs: Schiller (1759-1805, Allemand, Les Brigands), Kleist (1777-1811, Allemand, Le Prince de Hombourg), Byron (1788-1824, Anglais, Manfred), Alfred de Vigny (1797-1863, Français, Cinq-Mars), Adam Mickiewicz (1798-1855, Polonais, Les Dieux), Victor Hugo (1802-1885, Français, Ruy Blas), Alfred de Musset (1810-1857, Français, Lorenzaccio), Edmond Rostand (1868-1918, Français, Cyrano de Bergerac).
[Dans Schiller (Don Carlos, Wallenstein's Tod, Mary Stuart), les idées philosophiques et le drame alternent et la pensée transcende l'action, mais l'attention reste rivée sur le héros. Même écrasé par la fatalité, celui-ci intéresse comme caractère et par les éléments de sa vie, par le drame: non par le sentiment du tragique. Exemple: Élisabeth, signant l'arrêt de mort de Marie Stuart.

Tous mes tourments portent ce nom maudit!
Avec quel âpre mépris elle me regarde
Comme si ses yeux pouvaient me foudroyer!
Misérable impuissante! J'ai des armes plus tranchantes,
Le coup en est mortel, et tu disparaîtras!
(Résumé et citation dans G. Steiner, la Mort de la tragédie, p.131)

[[On peut remarquer que ce passage de la tragédie au drame accompagne une évolution dans la façon de poser le héros en face du monde. La tragédie suppose que l'on ait des principes à remettre en question (le destin, la religion, la cohérence du monde). Dans le drame, on pense qu'il s'agit d'un genre inférieur, où l'issue de l'action ou son intérêt priment, comme si manquait la dimension métaphysique, généralisante. Il se peut qu'elle manque, en effet, et on tombe dans le roman policier. Mais si la tragédie est rejetée, c'est pour des raisons moins frivoles, qui ne la font pas regretter. Les idéologies commencent à être remises en question globalement. Les systèmes philosophiques tombent en désuétude. Dire que priment les études de caractère ou les problématiques socio-culturelles n'est pas suffisant. C'est le point de départ de la réflexion qui est déplacé. On ne pense plus pour la collectivité au grand complet et en son nom. L'individu compte non comme objet de réflexion mais comme centre de vision du monde. Les individus comptent. Le théâtre est fait de voix entrecroisées comme dans les romans de Dostoïewski comme l'a montré Bakhtine. La littérature cesse de parler pour tous et au nom de tous. La création recommence en chacun des spectateurs mêmes.]] ["En 1821, Grillparzer termina sa trilogie la Toison d'or....Il n'a pas l'ardeur incandescente de Kleist (Penthésilée déchirant de ses dents Achille vaincu, grand-guignol, v.p.165; un ton plus frénétique que tout ce qu'ont pu inventer Byron et Alfieri, p.157) et la sèche amertume de son oeuvre reflète les conditions de la vie intellectuelle sous Metternich. Exemple:

MÉDÉE --- Tu m'as séduite, et tu me fuis? JASON --- Il le faut!
MÉDÉE --- Tu m'as volé un père, et me voles un époux?
JASON --- Je ne fais qu'obéir à la nécéssité.
MÉDÉE --- Tu as causé la chute de mon frère, tu me l'as enlevé, et maintenant tu fuis?
JASON --- Comme lui-même est tombé, innocent comme lui.
MÉDÉE --- J'ai quitté ma patrie pour te suivre.
JASON --- Ce n'est pas moi que tu as suivi mais ta propre volonté. Si tu l'avais regretté, je t'aurais laissée là-bas.
MÉDÉE --- L'univers à cause de toi m'accable de malédictions et à cause de toi j'en suis venue à me haïr moi-même, et tu m'abandonnes?
JASON --- Non, je ne t'abandonne pas; une voix plus haute décrète qu'il faut nous séparer. Ton bonheur est perdu mais où est le mien? Accepte ma souffrance en échange de la tienne.
MÉDÉE --- Jason!
JASON --- Quoi? Que veux-tu encore?
MÉDÉE --- Rien. C'est fini!

Le drame romantique, d'une durée assez brève (un demi- siècle environ), trouvera son prolongement dans le théâtre de Paul Claudel par exemple (1868-1955, Français, Le Soulier de satin).

La tragédie, si elle a disparu définitivement au XIXe siècle, n'a pas pour autant cessé de préoccuper écrivains et philosophes. Stendhal, Hölderlin, Schopenhauer, Hegel, Nietzsche, Unanumo, Cocteau, Sartre, pour ne nommer qu'eux, ont beaucoup réfléchi sur la conscience tragique, sur la fatalité, etc; plusieurs tentatives ont été faites pour ressusciter la tragédie, pour la moderniser en reprenant des personnages et des situations du théâtre antique (ex.: pièces d'Anouilh, de Cocteau). Mais la perte de toute transcendance et l'absence de fatalité au XXe siècle semblent avoir empêché le retour de la tragédie (cf. article de Bernard Dort dans l' Encyclopeadia Universalis où il parle de la nostalgie de la tragédie). La mort de la tragédie n'a pas empêché une nouvelle vision tragique du monde d'apparaître dans des oeuvres comme celles de Camus (absurdité du monde) et d'Ionesco (tragédie du langage).

["Büchner fut le premier à faire porter sur la plus basse classe de la société la solennité et la compassion tragiques. Il a eu des successeurs: Tolstoï, Gorki, Synge et Brecht, mais aucun n'a égalé la force cauchemardesque de Woyzeck. Les moyens d'expression y sont terriblement inférieurs à la profondeur de l'angoisse. Tandis que, dans le théâtre grec ou shakespearien, tant de personnages semblent parler beaucoup mieux qu'ils ne sauraient, soulevés qu'ils sont par le vers et la rhétorique, l'esprit torturé de Woyzeck cogne en vain aux portes du langage." (G. Steiner, la Mort de la tragédie, p.200-1).]

5. Bibliographie.

AMMIRATI, C.Le drame romantique, PUF-Major.
CHARVET, P., GOMPERTZ, St., MARTIN, E., MORTIER, D., POUILLON, CHR., Pour pratiquer les textes de théâtre, Paris, Duculot, 1986, 131p.
GRIMAL, Pierre, le Théâtre antique, Paris, PUF, 1978, 124p.
JEAN, Georges, le Théâtre, Paris, Le Seuil, 1977, 187p.
MITTERAND, Henri, Littérature et langages (les genres et les thèmes: le langage, le théâtre, la parole et l'image), Paris, Fernand Nathan, 1975, 340p.
PAVIS, Patrice, Dictionnaire du théâtre, Paris, Éditions Sociales, 1980, 482p.
PUZIN, Claude, le Tragique, Paris, Fernand Nathan, 1984, 160p.
ROUBINE, Jean-Jacques, Introduction aux grandes théories du théâtre, Paris, Bordas, 1990, 205p.
RYNGAERT, Jean-Pierre, Introduction à l'analyse du théâtre, Paris, Bordas, 1991, 168p.
le Théâtre, ouvrage collectif sous la direction de Daniel Couty et Alain Rey, Paris, Bordas, 1992, 257p.
THOMASSEAU, Jean-Marie, Drame et tragédie, Paris, Hachette, 1995, 192p.
TRUCHET, Jacques, la Tragédie classique en France, Paris, PUF, 1975, 251p.
VIEGNES, Michel, le Théâtre (les problématiques essentielles), Paris, Hatier, 1992, 157p.
STEINER, George, la Mort de la tragédie, P., Le Seuil, 254p. Le drame romantique, collectif, Hatier-Profil litteraire.
Encyclopeadia Universalis (articles sur le théâtre, la tragédie et le drame).

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