Informations. | |
Extraits. |
Les Diaboliques. Cauchemar. |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début et fin. Fin du XIIIe siècle (où
elle s'impose comme genre autonome) --- Aujourd'hui.
Lieux. Espagne, États-Unis, France, Grèce, Indonésie,
Italie, Japon, Maroc, Russie, etc.
Nezamé de Grandjé (1140-1202), Haft Païkar
(les Sept Idoles).
Geoffrey Chaucer (1340-1400), Canterbury Tales.
Boccace (1313-1375), le Décaméron (1350-1355).
G. Fiorentino, recueil de nouvelles (XIVe siècle).
F. Saccheti, recueil de nouvelles (XIVe siècle).
Antoine de La Salle, les Cent Nouvelles nouvelles (1455).
Masuccio Salernitano, recueil des nouvelles (XVe siècle).
A. Cornazano, recueil de nouvelles (XVe siècle).
Nicolas de Troyes, le Parangon des nouvelles nouvelles (1535).
Marguerite de Navarre (1492-1549), l'Heptaméron.
la Motte-Roullant, le Facétieux deviz des cent et six Nouvelles,
Nouvelles tres-récréatives et fort exemplaires pour réveiller
les bons et ioyeux Esprits Françoys (1550).
Peregrinaggio di tre giovanni figluoli del re di serendippo (1557).
Bonaventure Despériers, Nouvelles Récréations et
joyeux devis (1558).
Les Ioyeuses aventures et nouvelles récréations, contenant
plusieurs contes et Facétieux Devis (1575).
G. F. Straparola, nouvelles (XVIe siècle).
A. F. Grazzini, nouvelles (XVIe siècle).
Miguel de Cervantès, Nouvelles exemplaires (1613).
Scarron (1610-1660), Nouvelles tragi-comiques (1655-1643).
Gédéon Tallemant des Réaux (1619-1692), Historiettes
(1657-1658).
Jean de La Fontaine, Contes et nouvelles en vers (1665).
La Relation de la captivité du sieur Mouëtte (1683).
Feutry, Choix d'histoires (1753).
Pigault-Lebrun, Théodore ou les Péruviens, première
nouvelle (1800).
Heinrich von Kleist (1777-1811), le Tremblement de terre au Chili
(1807), le Duel (1811).
Mme de Genlis, les Tableaux de M. le comte de Forbin, ou la mort de
Pline l'Ancien et Inès de Castro, nouvelles historiques (1817).
Amadeus Hoffmann (1776-1822), les Frères de Saint- Sérapion
(1819-1821).
Charles Nodier, Smarra (1821), Trilby (1822).
Lombard de Langres, Décaméron français, nouvelles
historiques et contes moraux (1828).
Prosper Mérimée, Mateo Falcone (1829).
Stendhal, Chroniques italiennes (1829-1839).
Nathaniel Hawthorne (1804-1864), Monsieur du miroir et autres nouvelles
(1830-1837), Contes deux fois contés (1842), la Petite
Fille de neige (1851).
Aleksandr Pouchkine (1799-1837), Récits de Belkine (1830),
la Dame de pique et autres nouvelles (1833).
Jules Janin, Contes nouveaux (1833).
Honoré de Balzac, Contes drolatiques (parus de 1832 à
1837), Un drame au bord de la mer (1834).
Prosper Mérimée, Mosaïque (1833). La Vénus
d'Ille (1837).
Edgar Poe, Contes grotesques et arabesques (1840).
Clemens Brentano (1778-1842), l'Histoire du brave Gaspard et de la belle
Annette.
Nicolas Gogol (1809-1852), le Nez (1835), le Manteau (1842),
les Nouvelles pétersbourgeoises (1843).
Ivan Tourgueniev (1818-1883), le Journal d'un homme de trop (1850),
Récits d'un chasseur (1852), Roudine (1856).
J. Méry, Nouvelles (1852).
Mme de Girardin, Nouvelles (1856).
Melville Herman (1819-1891), The Piazza Tales (1856).
M. Constantin, le Nouveau Décaméron des jolies femmes
(1859-1860).
Vasil Drumev (1840-1901, Bulgarie), Une Malheureuse Famille (1860).
Henry James, Nouvelles (1864-1888), le Tour d'écrou
(1898), la Bête dans la jungle (1903).
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin (1866).
Conrad Ferdinand Meyer (1825-1898), l'Amulette (1873).
Jules Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques (1874).
Maupassant, Nouvelles (1875-1893), Boule de suif (1880),
Mademoiselle Fifi (1882), Farce normande (1882), les Contes
de la bécasse (1883), Yvette (1884), le Horla
(1837).
Arthur de Gobineau (1816-1882), Nouvelles asiatiques (1876).
Gustave Flaubert, Trois Contes (1877).
Joris Karl Huysmans, Sac au dos (1877).
A. Houssaye, Histoires romanesques (1879).
Bleslaw Prus (1847-1912, Pologne), l'Orgue de barbarie (1880), le
Gilet (1882).
Catulle Mendès, Monstres parisiens (1882).
Anton Tchékov (1860-1904), Nouvelles (1882-1903), la Steppe
(1888).
Villiers de l'Isle-Adam, Contes cruels (1883).
Léon Tolstoï, la Mort d'Ivan Illitch (1886), Maîtres
et serviteurs et autres nouvelles (1886-1904).
Jules Laforgue, Moralités légendaires (1887).
Robert Louis Stevenson (1850-1894), les Gais Lurons (1887).
Rudyard Kipling (1865-1936), Simples Contes des montagnes (1888),
Life's Handicap (1891).
Nabizadé Nazim (1862-1893, Turquie), Kara Bibik (1890).
Mori Ogai (1862-1922, Japon), la Danseuse (1890).
Marcel Schwob, Coeur double (1891).
Anatole France, l'Étui de nacre (1892).
Maksim Gorki (1868-1936), Histoire du Serin menteur et du Pivert qui
aimait la vérité (1893), Études et nouvelles
(1898).
Léon Bloy, Histoires désobligeantes (1894).
Rémy de Gourmont, Histoires magiques (1894).
Luigi Pirandello (1867-1936), Amours sans amour (1894), Nouvelles
pour une année (1894-1937).
Ramon de Valle-Inclan (1866-1936, Espagne), Jardins ombreux (1903),
Epithalame (1817).
O. Henry (1862-1910), Nouvelles (1904-1910).
Franz Kafka, Nouvelles (1909-1924), la Métamorphose
(1912), le Verdict (1912), Petits Récits (1919), Un
artiste de la faim (1924).
Guillaume Apollinaire, l'Hérésiarque et Cie (1910).
Katherine Mansfiled (1888-1923), In A German Pension (1911), The
Garden Party (1922).
Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), la Candeur du Père Brown
(1911).
Stephan Zweig, Nouvelles (1911-1942).
Thomas Mann (1875-1955), Mort à Venise (1911).
James Joyce (1882-1944), Gens de Dublins (1914).
Virginia Woolf, Nouvelles (1917-1939).
Sherwood Anderson (1876-1941), Winesburg, Ohio (1919).
Ernest Hemingway (1899-1961), Nouvelles (1923-1950).
Herman Hesse, Nouvelles (1923-1950).
F. S. Fitzgerald, Un diamant gros comme le Ritz (1920-1940).
Georges Bernanos, Madame Dargent (1922), Une Nuit (1928).
Isaac Babel (1894-1940), Cavalerie rouge (34 nouvelles, 1924), Contes
d'Odessa (1932).
M. Boulgarov, Coeur de chien et autres nouvelles (1925).
Y. Kawabata, la Danseuse d'Izu (1926).
Julien Green, le Voyageur sur la terre (1930).
William Faulkner (1897-1962), Treize Histoires (1931), Docteur
Martino (1934), Big Woods (1935).
Roger Martin du Gard (1881-1958), Vieille France (1933), Souvenirs
du colonel Maumort (début : 1941).
Karen Blixen (1885-1962), Seven Gothic Tales (1934), le Dîner
de Babette et autres nouvelles (1959).
Marcel Arland (1899-1986), les Plus Beaux de nos jours (1937), le
Grand Pardon, Attendez l'aube.
François Mauriac, Plongées (1938).
Lucio Cardoso (1912-1968, Brésil), Mains vides (1938), l'Inconnu
(1940).
Jean-Paul Sartre, le Mur (1939).
Jorge Luis Borges, l'Aleph (1941), le Jardinaux sentiers qui
bifurquent (1941).
Vercors, le Silence de la mer (1942).
Colette, Gigi (1942).
Marcel Aymé, le Passe-muraille (1943).
Abd al-Madjîd Ben Djellûn (né en 1915, Maroc), Vallée
de sang (1947).
Jerome David Salinger, Un Jour rêvé pour le poisson- banane
(1953), Nine Stories (1953).
Vladimir Nabokov, Mademoiselle O et autres nouvelles (1958).
Julio Cortazar (1914-1984), Nouvelles (1945-1982), les Armes
secrètes (1959), Heures indues (1982).
Heinrich Böll, le Train était à l'heure et autres
nouvelles (1949-1954).
Albert Camus (1913-1960), l'Exil et le royaume (1957).
Isaac Bashevis Singer (1904-1991, en yiddish), Gimpel l'imbécile
(1957), la Brève Journée du vendredi (1964).
R. Carver, Tais-toi, je t'en prie, Parlez-moi d'amour (1963-1981).
Dino Buzzati (1906-1972), le K (1967).
M. Kundera, Risibles Amours (1968).
Daniel Boulanger, Mémoires de la ville (1970).
G. Manganelli, Aux Dieux ultérieurs (1972).
C. Baroche, Chambre avec vue sur le passé (1978).
J.-M.-G. Le Clézio, Mondo et autres histoires (1978).
Nina Berberova, l'Accompagnatrice (1982).
Annie Saumont, Je ne suis pas un camion (1989).
A. Cheng, Perdre son chemin (1991).
Si l'on considère les nouvelles en général, y compris celles que l'on trouve dans les pulp magazines où est indiqué le temps qu'il faut pour en venir à bout, il est difficile d'assigner au genre des normes. Il y a une grande diversité des textes de nouvelles : les thèmes vont des analyses psychologiques de Schnitzler aux tall tales de O'Henry; le style peut aller du registre soutenu d'un James à la familiarité d'un Salinger; le narrateur peut participer à l'action, en être le simple témoin, comme dans les nouvelles enchâssées de Maupassant, ou encore y rester extérieur. Mais on peut dégager certaines constantes de la nouvelle par rapport au conte d'une part, au roman d'autre part.
La nouvelle est un récit bref destiné à des lecteurs adultes (par opposition au conte, lequel, quand il est pour des adultes, lui parle comme à un enfant, simplifiant le monde, voir Candide). Elle se distingue du roman par le nombre d'éléments qu'elle met en oeuvre. Elle limite le nombre des personnages, des événements, des données spatio-temporelles. Tous les fils du récit sont noués à un élément central, à un instant privilégié. Le roman serait le domaine du temps dans sa durée, la nouvelle celui du temps concentré autour de l'instant. Les flash backs abondent dans les nouvelles de Chesterton et de Dürrenmatt, dans la nouvelle française de l'âge classique et dans la novela espagnole. Sous sa forme la plus dépouillée, la nouvelle devient ce que les Anglais dénomment la short short-story, récit extrêmement bref, réduit au compte-rendu neutre et laconique d'une scène.
Le texte court organise ses matériaux de façon spécifique. Les éléments narratifs essentiels sont mis face à face, opposés les uns aux autres en couples, suivant des pôles qui organisent le récit. Le signe le plus évident de cette tension est le renversement narratif : à la fin du texte, la situation est le plus souvent inverse de ce qu'elle était au début. Non seulement la nouvelle nous mène d'un état très fortement caractérisé à son contraire mais le texte entier est structuré par la mise en place de couples. Ces couples opposent terme à terme des éléments thématiques, des personnages fortement contrastés, des mondes sociaux (Boule de suif et les bourgeois par exemple). Tout se passe comme si le texte court, pour être un genre autonome, devait établir une structure interne particulièrement forte et fermée. La pointe est le verrou qui vient renforcer la clôture permise par les jeux d'opposition mis en place.
La nouvelle moderne est née avec la grande presse, et les nouvelles étaient en général écrites (au XIXe siècle et au début du XXe siècle) pour le journal. Ce fait a des conséquences énormes. Le journal impose une longueur, un lectorat et partant une thématique au texte. La règle est l'exotisme. Il faut noter l'absence d'identité entre le lectorat et les personnages mis en scène. Maupassant par exemple écrit sur des Normands, et ce sont principalement des Parisiens qui le lisent. Le thème de nombreuses nouvelles est l'étranger et cet étranger est souvent reculé dans le passé (exotisme historique). La distance qui sépare le lecteur du sujet traité n'est pas atténuée par le texte, elle est au contraire cultivée. Dans un roman, aussi étrange que soit le sujet, l'auteur tâche de nous faire pénétrer dans l'univers de ses personnages, aussi bizarres que soient les héros, nous allons acquérir avec eux une familiarité qui nous les fera comprendre de l'intérieur. Le roman est essentiellement polyphonique et accorde à chaque personnage une voix à part entière. Rien de cela dans la nouvelle. Le spectacle présenté reste bizarre. Les débuts in medias res sont très courants, ce qui constitue un moyen de nous imposer avec force et vivacité une vision du monde unique. De là le très grand nombre de nouvelles fantastiques : le fantastique est une représentation de l'étrange aux frontières même du monde normal; la nouvelle, dans une présentation très concrète, très réaliste, va peu à peu rendre bizarre le spectacle habituel du monde. Elle fait vaciller les certitudes. Elle est particulièrement apte à ce rôle : elle garde au spectateur un regard extérieur, regard qui ne crée pas de familiarité.
Un trait qui est constant à travers toute l'histoire du genre, en Europe comme ailleurs, est le souci de réalisme. L'attention aux circonstances du récit, la volonté de parler de thèmes et de personnes qui ne soient pas nobles est déjà ce qui distingue la nouvelle des genres médiévaux qu'elle continue, à son apparition en Europe. Le Décaméron, les Canterbury Tales, les Cent Nouvelles nouvelles, l'Heptaméron, les Novelas ejemplares, comme tous les recueils qui les imitent et les pillent, diffèrent des exempla du Moyen Age par la place faite aux realia. Si le fantastique passe volontiers par la nouvelle, c'est qu'elle lui permet d'abord de s'appuyer sur ce réalisme : ce cadre très concret que le texte va rendre peu à peu étrange. L'immense vogue qu'a connue la nouvelle dans tous les pays est sans doute en relation avec ce réalisme, qui dépasse la simple littérature, et qui conduit au-delà du connu.
Plus que le roman, la nouvelle reste proche du récit oral, de l'histoire racontée en société (elle est souvent appelée conte par simplification), et elle vaut surtout par la justesse et la concision du trait, la force de l'impression immédiate. L'esprit de la nouvelle, sa fonction, peut varier selon les époques historiques, l'idéologie, la religion (le konjaru monogatari et les jataka) , mais surtout le génie des créateurs. La nouvelle selon Maupassant, Gogol, Tchékov, Tourgueniev, Henri James, Heinrich Böll, Calvino, est aussi l'expression d'un individu. Elle a pour objet la résolution d'une crise, la mise en mots d'une aventure ponctuelle, le compte rendu d'un fait, d'un rêve, d'un acte bref. Mais cela ne correspond pas au caractère des héros de Boccace. La nouvelle convient au monde contemporain où les individus vivent l'impossibilité de nouer les liens innombrables et sont voués à une connaissance parcellaire. Elle tire le poétique de l'anecdotique, du fugitif, du contingent. Comme elle assure une promotion de ce qui est réputé conjecturel, futile ou accessoire, elle formule à sa manière un discours sur l'histoire.
Origines.
1) Origine des recueils. Nouvelles organisées selon le contenu.
Le Konjaku monogatari, recueil de piété bouddhique. L'auteur
a réparti ses histoires par pays : l'Inde, la Chine, le Japon et,
dans chaque pays, en deux grandes sections : le sacré (histoire
de la loi bouddhique, éloge des trois joyaux -- le Bouddha, la loi
et la communauté-- exposé de l'enseignement de base du bouddhisme
par des nouvelles didactiques) et le profane : les "affaires vulgaires",
lesquelles se distribuent en histoires effrayantes, histoires cocasses,
histoires de violence et de cruauté, histoires d'amour, c'est-à-dire
quelques unes des rubriques sous lesquelles en Europe on organisait maints
recueils de nouvelles à l'âge classique. D'autres nouvelles
du monde bouddhique, les indiennes, suivent plutôt la transmigration.
Ainsi les jataka racontent chacun une des vies antérieures de Bouddha,
mise en forme de "nouvelle" (vraie, puisque ce sont pour le croyant
les seules histoires vraies).
2) Histoire.
- Certains épisodes de l'Odyssée (ex. : "Circé",
"le Cyclope" et "la Nekuia") ont été
considérés comme constituant autant d'histoires (de nouvelles)
insérées dans une littérature épico-romanesque.
- Le récit selon Platon, Hérodote et Aristote a préparé,
voire accompli dès l'Antiquité la nouvelle, au même
titre que la fabula et les fables milésiennes.
- A la fin du XIIe siècle, en Perse, Nezamé de
Grandjé (1140-1202) écrit Haft Païkar (les Sept Idoles),
recueil de sept histoires, encadrées comme celles de Boccace : sept
favorites offrant chacune la sienne à un roi sassanide.
- Vers la même époque (IXe-XIIIe siècle),
les Chinois produisaient en grand nombre des xiaoshuo, "récits
mineurs" ou "histoires brèves" et de huaben, "textes
à réciter", dont les thèmes étaient modernes,
et dont la durée ne devait pas dépasser une séance.
L'Amour de la renarde de Ling Mongchu et les Contes extraordinaires de
Pu Songling proposent des histoires brèves qui traitent en langue
vulgaire des sujets alors contemporains (la misère des enseignants
par exemple) : traits qui, en Europe, distingueront la nouvelle des autres
genres narratifs.
- Au Moyen Age en Europe. Le récit bref existe déjà
en Europe sous la forme du fabliau, de la moralité, du lai, du dit,
de l'exemplum, de la "chantefable" (Aucassin et Nicolette, XIIIe
siècle). Les nouvelles en reprennent souvent les thèmes.
- Les lais (XIIe siècle). Le lai de Marie de France "le
Chèvrefeuille" relatant un épisode des amours de Tristan
et Yseult peut être considéré comme une nouvelle, rédigée
bien avant que cette appellation ait existé. Le texte se limite
à la donnée d'un épisode unique et se clôt sur
lui-même sans attendre une suite. Il rapporte un événement
ordinaire. A l'économie de moyens mis en oeuvre correspond une grande
densité de l'effet produit.
- Les dits qualifiés de "nouveaux" qui apparaissent au
XIIIe siècle. Le dit est comme la nouvelle un genre bref
(600 vers en moyenne). La brièveté n'est pas alors une technique
littéraire active. Elle est recherchée pour éviter
l'ennui de l'auditoire. Les dits peuvent être nouveaux par leur forme
ou par la matière qu'ils traitent. Certains dits présentent
une matière ancienne mais font l'objet d'une "nouvelle"
écriture. D'autres offrent le récit d'une matière
que personne ne connaît encore. L'intention de plaire est toujours
présente dans les dits "nouveaux" et elle est liée
à la notion de nouveauté. L'auteur déclare souvent
avoir apporté du soin à l'écriture de son oeuvre.
Ce souci de plaire anime les Cent Nouvelles nouvelles dont une variante
du titre donne : "cent chapitres ou histoires, ou pour mieulx dire
nouveaux comptes à plaisance". D'autre part, le dit intervient
au XIIIe siècle comme un mode d'écriture où
la pensée et les réactions personnelles de l'auteur, sa sensibilité
d'homme dans la société de l'époque trouvent à
s'exprimer de façon privilégiée. Or, pour qu'une oeuvre
soit considérée comme "nouvelle", il faut que deux
conditions soient remplies : d'abord, l'auteur doit être conscient
de son acte littéraire d'écrivain, ensuite il doit ancrer
sa manière dans une réalité très proche. Il
apparaît dans les dits une vérité du présent
ou de l'instant qui vient d'être vécu, de l'anecdote présentée
comme authentique. Cette vérité explicitement revendiquée
dans les dits qualifiés de "nouveaux" deviendra un élément
définitoire de la nouvelle par la suite.
- La nouvelle est encore issue de l'exemplum mais elle est rarement d'inspiration
ecclesiastique.
- Au XIIe siècle en France, la "nouvelle" est
l'annonce d'un événement, généralement récent,
à une personne qui n'en a pas encore connaissance. A la nouveauté
de l'événement, à son caractère récent,
s'ajoute une allusion, plus ou moins explicite, à l'intérêt
de l'événement relaté, intérêt qui justifie
cette relation. On passe de l'information donnée sur quelqu'un au
récit des faits et gestes de cette personne. La nouvelle devient
une histoire fraîchement arrivée dont la technique de narration
est originale. Pour l'auteur des Cent Nouvelles nouvelles, une "nouvelle"
est le récit d'un événement à la fois réel
et récent. Elle doit surtout être le récit bref d'un
événement qui mérite d'être rapporté,
une "aventure". Il existe au Moyen Age un lien sémantique
entre l'adjectif novel caractérisant une oeuvre originale et le
substantif novele tel qu'il apparaît dans ses premiers emplois pour
désigner des textes littéraires. C'est la notion de nouveauté
qui a conditionné l'emploi du mot "nouvelle" jusqu'à
ce qu'il devienne un terme générique et que l'on oublie son
origine linguistique.
- En Italie, le mot "novella" signifie à la même
époque la nouveauté, l'histoire distrayante qui, telle une
nouvelle politique, court de bouche en bouche, de ville en ville.
- Pour que le mot "nouvelle" en français, novela en espagnol,
novella en russe et nouvela en polonais s'impose dans notre aire culturelle,
il faudra néanmoins Boccace, Cervantès, Marguerite de Navarre.
Avec le Décaméron et l'Heptaméron s'organise un ensemble
de nouvelles "encadrées", ainsi dénommées
parce qu'elles sont insérées dans une fiction (la peste de
Florence par exemple) qui justifie leur rassemblement. Les récits
sont présentés comme un ensemble, mis dans la bouche de narrateurs
pourvus d'un nom et d'une personnalité propres. Imprégnée
de l'esprit humaniste, la nouvelle rejette la simplicité parfois
grossière du fabliau, genre dont elle prend la place mais dans les
milieux urbains aisés. Elle cherche à mettre en relief ce
qui est unique dans le personnage et son destin. Les auteurs de cette époque
publient d'ordinaire leurs nouvelles en cycles, unis par l'artifice d'un
jeu de société : une petite compagnie passe son temps en
écoutant des histoires qui, pour être proches de la vie quotidienne,
n'en contiennent pas moins quelque élément singulier, ce
qui leur vaut d'être racontées. Cohérentes et condensées,
elles se terminent généralement sur un effet surprenant,
souvent rehaussé par une pointe. Mis à part ces quelques
traits, la production de l'époque montre la plus grande diversité.
Des amourettes libertines aux graves tournants du sort, les conteurs touchent
à tout sujet qui s'offre à eux. Boccace amuse son public
avec le Décaméron et confronte souvent des vérités
individuelles aux lois morales en vigueur; dans l'Heptaméron, c'est
l'intention didactique qui prédomine. Marguerite de Navarre a introduit
avec l'Heptaméron dans la nouvelle française le sentiment
vrai, la psychologie nuancée des passions, le tragique même
et aussi le décor et l'atmosphère d'un monde qui commençait
à se régler selon les lois de la civilité.
- La réussite du Décaméron de Boccace suscite des
recueils analogues : ceux de G. Fiorentino, de F. Saccheti, de Masuccio
Salernitano, etc. C'est alors l'âge d'or de la nouvelle italienne
qui se caractérise généralement par son réalisme
satirique et par son immoralité licencieuse (sauf chez Brandello
au XVIe siècle).
- Mais dès le XIVe siècle d'autres chefs d'oeuvre
de la nouvelle ont vu le jour en Europe : en Angleterre les Contes de Canterbury
(1387), où s'épanouit la veine bourgeoise des fabliaux; en
Espagne le Comte Lucanor (v. 1337), recueil de nouvelles morales de I.
Manuel, infant de Castille.
- Au XVe siècle, la cour de Bourgogne raffole des nouvelles
où l'inspiration chevaleresque et bourgeoise se mêle à
l'ironie cynique, au scepticisme moral et à l'obscénité,
comme en témoignent les deux plus célèbres recueils
de l'époque, les Cent Nouvelles nouvelles et les Quinze Joyes de
mariage (antérieur à 1450, anonyme). Dans les Cent Nouvelles
nouvelles, le ton est résolument grivois, les détails grossiers
et scatologiques abondent. Le recueil continue la tradition des fabliaux
du Moyen Age.
- Japon XVe-XVIe siècle. Le monogatari. Récit
en vers ou en prose. C'est aux alentours des années 900 que fut
inaugurée le monogatari comme genre littéraire. Le chef d'oeuvre
du genre : Genji Monogatari (début du XIe siècle).
- XVIe siècle. Peregrinaggio di tre giovanni figluoli
del re di serendippo (1557). Recueil de huit nouvelles qui fut réédité
5 fois au XVIe siècle en Italie, traduit en allemand
en 1583, en français en 1610, en anglais en 1722, en danois en 1729,
en hollandais en 1766. Recueil d'origine persane.
- Le recueil de nouvelles. Les recueils français du XVIe
siècle portent la marque des traités italiens débattant
de questions d'amour, de civilité ou de philosophie, dont la structure
est venue enrichir le modèle boccacien.
- En Espagne, où le mot novela désigne toute oeuvre d'imagination
en prose, c'est à Cervantès que revient le mérite
d'avoir créé le genre, avec ses Nouvelles exemplaires où
se rencontrent le romanesque, le picaresque et le lyrisme sentimental.
Il n'y a pas de récit qui relie les histoires et celles-ci sont
parfois très étendues. L'action y suit un chemin sinueux.
Mais ce sera, en partie, grâce à leur côté romanesque
que certaines d'entre elles serviront de modèles aux nouvelles des
XVIIe et XVIIIe siècles. Les deux dernières
nouvelles, emboîtées l'une dans l'autre, esquissent in fine
une forme d'encadrement comparable à celle des grandes collections
(le Décaméron, les Contes de Canterbury), comme si l'auteur
avait voulu suggérer rétrospectivement une mise en perspective.
- Dans son prologue, Cervantès dit avoir été le premier
en Espagne à mettre en chantier des nouvelles qui ne soient pas
le simple démarquage des modèles italiens. Il fixe tout à
la fois l'usage du vocable (novela) et les lois non écrites du genre
: brièveté, prédominance de l'action et du dialogue,
fonction récréative autant qu'exemplaire. Il fait acte fondateur.
- XVIIe siècle. Sorel, les Nouvelles françoises
où se trouvent les divers effets de l'Amour et de la Fortune (1623).
Il poursuit dans la voie de Marguerite de Navarre.
- Au XVIIe siècle les frontières entre roman et
nouvelle ne sont pas claires. Mme de Villedieu fait paraître en 1669
Cléonice ou le Roman galant, nouvelle. Les romans comportent fréquemment
des récits enchâssés. Les auteurs et théoriciens
se tournent vers un genre qui échappe aux abus des romans précieux
(voir le dossier LE ROMAN CLASSIQUE). Par opposition aux fictions, la nouvelle
se présente comme une histoire vraie. La nouvelle italienne était
plutôt salace, l'espagnole plutôt grave, la française
se cherchera longuement à partir de ces deux influences, mais en
opposition avec la complexité excessive des romans précieux.
Certaines nouvelles se veulent comiques ou satiriques, d'autres historiques,
d'autres tragiques. La nouvelle a lutté contre le roman égaré
en méandres fabuleux, indifférent ou hostile à la
réalité quotidienne. L'influence des Nouvelles exemplaires
et la rigueur délibérée des auteurs français
de nouvelles au cours du XVIIe siècle aboutiront à
la Princesse de Montpensier et à la Princesse de Clèves,
nouvelles préparant le roman qu'on appellera d'analyse. Dans la
mesure où le souci du vrai leur commande de rédiger leurs
oeuvres à la première personne, les auteurs de nouvelles
préparent la vogue de ces romans qui se présenteront au XVIIIe
siècle sous forme de mémoires (Ex. : Mémoires du comte
de Grammont, Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut).
- Au XVIIIe siècle en France, la nouvelle est encore
cultivée par Lesage, l'abbé Prévost, Diderot, mais
l'époque des lumières incline à délaisser la
nouvelle pour le conte philosophique, dont la fantaisie se prête
mieux à l'expression des idées les plus subversives.
- La seconde floraison de la nouvelle commence au début du XIXe
siècle. Cette renaissance du genre a deux causes, l'une technique
(la multiplication des revues littéraires), l'autre esthétique
: par sa concision, la nouvelle permet de produire sur le lecteur cette
émotion intense, ce sentiment d'étrangeté et de mystère
que recherche le romantisme. De plus, la nouvelle paraît à
certains auteurs soucieux d'art comme le domaine de la rigueur, où
ne sont admissibles aucune des facilités, aucun des compromis que
peut se permettre le romancier parce qu'il a le loisir de les faire oublier
par l'impression d'ensemble que peut laisser un ouvrage d'amples dimensions.
Un plan est nécessaire.
Si le héros de la nouvelle à l'époque de la Renaissance
est l'individu qui s'affirme face à un système de moeurs
rigides et révolues, le renouveau du genre est lié également
à une puissante vague d'individualisme : la nouvelle est, d'après
Friedrich Schlegel, "une histoire qui n'appartient pas à l'histoire".
En faveur chez les Romantiques, elle ne tarde pas à devenir "l'animal
domestique" des Allemands. A part H. von Kleist, les conteurs se penchent
sur les abîmes de l'âme et du destin. La tendance réaliste
faiblit : que le héros soit en quête de la "fleur bleue"
ou de son alter ego démoniaque, la nouvelle s'ouvre à la
métaphysique et, avec les oeuvres de Hoffmann par exemple, elle
se mue en conte fantastique.
- Un processus semblable s'observe dans d'autres littératures :
le décor réaliste sert souvent de contraste aux interventions
extravagantes de Gogol, de Pouchkine, de Hawthorne, de Poe et de Gautier,
et la grande clarté des récits de Mérimée rayonne
autour d'un noyau opaque. La forme reste toujours insaisissable; quant
au contenu, il reste aussi varié qu'autrefois, bien que de nombreux
auteurs choisissent pour objet le moment décisif d'une existence
humaine.
- A partir du milieu du siècle, grâce à la prospérité
du journalisme, la production de nouvelles augmente encore. Les récits
paraissent tantôt en cycles tantôt isolément, parfois
c'est un sujet de roman qui semble s'émietter en nouvelle, d'autres
fois c'est un fait divers ou une impression personnelle qui revêt
une forme artistique. Un certain engouement pour le réalisme commence
à se manifester à nouveau, notamment chez Keller, Tolstoï,
Maupassant, Kipling, O'Henry, mais, sous le signe de l'esprit relativiste,
la réalité saisie n'est qu'une réalité tronquée
: le sujet de la nouvelle se présente comme un fragment détaché
de l'ensemble du monde et, en isolant un cas particulier, l'auteur met
souvent en évidence la pluralité des systèmes de normes
et l'incertitude de toute connaissance. Certains ne recherchent plus l'extraordinaire
: une banalité peut intéresser grâce au fait qu'elle
est arrachée au réseau des correspondances. Mais, à
cette époque non plus, il n'existe aucune caractéristique
générale qui permette de définir le genre : Barbey
choisit des sujets qui frôlent l'invraisemblable, Villiers de L'Isle-Adam
opte pour le fantastique, C. F. Meyer fait triompher la nouvelle historique.
Une psychologie nuancée va souvent de pair avec l'importance accordée
à l'atmosphère particulière de l'oeuvre, comme chez
Tourgueniev ou Storm; cette même tendance peut aboutir à un
fantastique ésotérique, comme chez Henry James, ou pénétrer
les tragédies silencieuses de la vie quotidienne, comme chez Tchékov.
- Importance du support. La fin du XIXe siècle est l'âge
de la nouvelle. Elle est partout : dans tous les magazines et dans tous
les journaux, en recueil ou en tirages à part. La nouvelle devient
un récit de presse. Elle se soumet aux impératifs de l'institution
journalistique, car les auteurs écrivent pour des quotidiens, des
hebdomadaires, des revues. Les nouvelles se déterminent par leur
support. Avant d'être assemblées en recueil, elles sont destinées
à toutes les sortes de publications périodiques. La nouvelle
doit donc à la presse la configuration ramassée qui lui confère
son identité. On en est venu à des commandes précises
signifiées en nombre de signes typographiques ou de feuillets dactylographiés.
- En Allemagne, le romantisme suscite de nombreux recueils de nouvelles
fantastiques, comme ceux d'Arnim, d'Hoffmann, de Tieck. Tieck donne de
plus une théorie du genre. La nouvelle, selon lui, en prenant pour
sujet un événement merveilleux mais en ayant pour cadre la
vie quotidienne et ordinaire, concilie l'idéalisme et le réalisme
et "résoud les contradictions de l'existence". Les meilleures
nouvelles écrites à l'époque, celles de Kleist, échappent
au romantisme par leur abondance de petits détails vrais et par
leur objectivité. Elles annoncent le réalisme qui imprègne
les nouvelles d'Immermann et d'Auerbach, les nouvelles autrichiennes de
Stifer, toutes pleines de poésie de la nature.
- Le naturalisme trouva dans la nouvelle une forme appropriée à
son esthétique. Le manifeste de l'école, les Soirées
de Médan, est un recueil de nouvelles.
3) Histoire et contenu en France.
Trois grandes tendances se dégagent. La première poursuit
la tradition comique du fabliau, comme les Contes drolatiques de Balzac
ou certains contes de Maupassant (Farce normande). La seconde, plus importante,
rapproche le récit court du fait divers journalistique, de la chronique
historique ou de l'essai et cherche à lui donner une certaine vraisemblance
en l'inscrivant dans un contexte quotidien ou connu. On la trouve chez
Balzac (Un drame au bord de la mer), dans les Chroniques italiennes de
Stendhal ou dans les Soirées de Médan où paraît
Boule de suif, chez Anatole France dans l'Étui de nacre et Léon
Bloy (Histoires désobligeantes). La troisième englobe le
vaste domaine du fantastique, du Trilby de Nodier au Horla de Maupassant,
sans oublier la Vénus d'Ille de Mérimée. Cette source
d'inspiration s'étend à des notions plus larges : la cruauté
dans les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly ou dans les Contes cruels de
Villiers de L'Isle-Adam, la magie avec les Histoires magiques de Gourmont,
voire les monstruosités cliniques (Monstres parisiens de C. Mendès).
4) Autres genres à l'origine de la nouvelle.
- Le fait divers. Ex. : Jean-Marie Le Clézio a intitulé l'un
des ses ouvrages la Ronde et autres faits divers (1982). Les onze nouvelles
relatent des événements qui pour la plupart s'inspirent des
informations générales. Félix Fénéon
a écrit des nouvelles en trois lignes. C'étaient des faits
divers haussés au rang de genre littéraire.
- Les chroniques. La nouvelle tire parti des faits divers et des menus
événements de l'histoire. Elle se confond avec la chronique
qui enregistre des épisodes de l'actualité. Paul Morand,
dans Chroniques du XXe siècle (1925), regroupe quatre
de ses recueils de nouvelles. Les nouvelles de Tchékov, de Pirandello,
de Hadzis, de Paley rendent compte de la vie quotidienne.
5) Les circonstances.
Après 1945, la pénurie de papier incite les éditeurs
allemands à favoriser ce genre; aux Philippines, depuis la même
date, c'est la pénurie de lecteurs qui conseille aux éditeurs
de produire, plutôt qu'un gros roman d'un seul auteur, un recueil
de nouvelles de plusieurs écrivains qui rassembleront un plus grand
nombre de chalands.
Postérité.
1) Le roman.
La nouvelle contribue à la genèse du roman. En Europe comme
en Asie, la nouvelle a formé divers types de romans, y compris les
romans picaresques et les romans-fleuves. En Chine : les xiaoshuo et les
huaben peu à peu s'additionnent, s'agglomèrent pour former
une matière romanesque (cela donne : Histoire officieuse des lettrés,
le Songe dans le gynécée, le Singe pèlerin, le Bandit
des marais). De même, la nouvelle va produire en Europe divers types
de romans par agglutination. Sur des modèles espagnols ce seront
le Diable boiteux et Gil Blas, romans à tiroirs, où des nouvelles
s'emboîtent les unes dans les autres. Longtemps après la vogue
en Europe du picaresque, les romanciers continuent à insérer
dans leurs oeuvres des épisodes, nouvelles authentiques mais étrangères
au dessein général : dans Jacques le fataliste, c'est l'affaire
de Mme La Pommeraye. Dans les Souvenirs du colonel Maumort, Martin du Gard
a glissé les pages libertines d'une nouvelle : la Baignade.
2) La nouvelle au XXe siècle.
- La nouvelle rompt avec la narrativité. Le genre s'auto-détruit.
Le narré s'efface au profit du "narratexte", le narratexte
étant l'ensemble des éléments qui concourent à
enchâsser l'histoire, à l'embellir, à l'enrichir de
réflexions morales ou philosophiques, tout ce qui, intégrant
et dépassant la narration primitive, lui confère une dimension
irréductible aux simples données de l'intrigue. Ce sont les
suggestions pittoresques, les portraits truculents de personnages hors
du commun, les détails réalistes propres à révéler
un paysage ou une ambiance.
- Le narrateur est redevenu le conteur traditionnel expert en digressions,
en aphorismes, en considérations psychologiques, celui qu'on écoute
moins pour ce qu'il doit raconter que pour sa personne et les éclairs
de son intelligence, un prestidigitateur qui dissimule la relative indigence
de l'invention sous les saillies et un sens aigu de la performance verbale.
Ex. : Michel Tournier, Jean Ray, Marcel Schneider. Le conteur n'a rien
à raconter et se sert de l'alibi d'une histoire pour jouer avec
les mots et avec la peur (comme dans le récit fantastique) ou bien
substitue à l'histoire une méditation sur la condition humaine.
- La nouvelle métaphorique. Ex. : Paul Gadenne, "Baleine".
L'animal symbolise la corruption et la mort de l'occident. On passe de
l'anecdote au mythe. Cf. Sartre, le Mur, Ionesco, la Photo du colonel :
les nouvelles sont l'expression détournée d'une morale et
d'une métaphysique.
- L'anti-nouvelle. Beckett (Nouvelles et textes pour rien), Ricardou (Révolutions
minuscules), Pinget, Robbe-Grillet, Sarraute (Tropismes). Refus de l'histoire
et volonté d'accorder la primauté au phénomène
verbal. La mue subie par le roman se manifeste aussi dans la nouvelle.
- La nouvelle-poème. Le texte cherche à capter la perception
fugitive d'états d'âme ou l'écoulement des heures.
Jean-Loup Trassard (L'Ancolie, Paroles de laine); Jude Stéfan (la
Crevaison, les États du corps). Le lecteur ne doit plus suivre le
processus d'une narration, mais entrer dans un monde d'images et de fantasmes.
On parle même en anglais de lyrical short story, que l'on rapproche
non plus du roman mais du poème en prose.
- La nouvelle-instant. Soit l'événement décisif est
présenté d'emblée, et la nouvelle suit l'itinéraire
qui mène au dénouement anticipé (ex. : Corinna Bille,
la Fraise noire), soit la nouvelle explore les zones sombres où
prennent corps les sentiments (ex. : les nouvelles d'Arland s'attachent
plus à l'analyse d'une crise affective qu'à ses conséquences),
soit la relation des faits perd de son intérêt au profit de
leurs incidences. La trame narrative n'existe plus qu'en raccourci (Ex.
: Chateaureynaud, Un Épisode obscur).
- La nouvelle monodique (dans les années 1970 et 1980). Un personnage
unique dans un instant unique. Elle ne respecte pas de contraintes formelles.
Elle n'a ni début ni fin, ni péripéties ni rebondissements.
Annie Saumont, Si on les tuait?; Geneviève Serreau; Claude Pujade-
Renaud. Le recueil les Enfants des autres. Les nouvelles d'Annie Saumont
et de Geneviève Serreau sont dépourvues de toute chronologie,
sans la moindre armature narrative, plus éprises d'illogismes que
de clarté. Leurs personnages sont des marginaux. Le narratexte est
tout.
- En Amérique du Nord la nouvelle est, au XXe siècle,
un genre très prisé. On la trouve dans les magazines à
grand tirage comme le New-Yorker ou Play-boy. Elle florit au Québec
dans des revues uniquement réservées à ce genre (XYZ).
En Europe au contraire elle n'occupe qu'une place de second ordre. Elle
prolifère dans la presse féminine ou dans les concours pour
amateurs, mais les éditeurs publient de préférence
des recueils de romanciers déjà connus du public. En France,
Paul Morand a créé dans les années 1930 aux éditions
Gallimard une collection destinée à promouvoir la nouvelle.
- Les Anglo-saxons en sont toujours très friands consommateurs,
que la nouvelle soit liée à un support spécifique
: la magazine story américaine, ou que sa composition soit enseignée
en université dans les cours de "Creative Writing". Les
Japonais, eux, la considèrent comme un genre qui leur est consubstantiel,
un équivalent prosaïque du haïku qui privilégie
l'instantané, le fragmentaire, la recherche de la sensation, sur
le discursif et le construit. L'Amérique latine en est un foyer
très actif. Les Français boudent leurs compatriotes mais
lisent Carol, Joyce, Oates, Moravia, Singer et Borges.
3) Les adaptations cinématographiques.
Ex. : Une Partie de campagne de Jean Renoir (1936), la Maison
Tellier de Max Ophüls (1952), l'Ami retrouvé de
J. Schatzberg d'après Fred Uhlman, le Festin de Babette de
G. Axel d'après Karen Blixen, l'Accompagnatrice de C. Miller
d'après Nina Berberova.
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Aide pour les pages des genres littéraires.
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