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Extraits. |
Le Moniage Guillaume La Chanson de Roland |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début. Fin du XIe siècle.
Fin. Début du XVe siècle. Période
de floraison entre 1150 et 1270.
Lieu. France du Nord et plus particulièrement Normandie et
régions adjacentes. Hypothèse récente: midi de la
France.
Turold? (cité au dernier vers de la chanson), la Chanson de
Roland (1075-1100).
- Le cycle de Guillaume. La Chanson de Guillaume (1100- 1130). Milieu
du XIIe siècle (1150-1160): le Couronnement de Louis,
le Charroi de Nîmes, la Prise d'Orange, célèbrent
les exploits de Guillaume. Plus tard, poèmes consacrés à
Guillaume lui-même (le Moniage Guillaume et Aliscans),
à son père (Aimeri de Narbonne, seconde moitié
du XIIe siècle), à son oncle (Girart de Vienne,
vers 1180), à ses frères (les Narbonnais, XIIIe
siècle) et à son grand-père (Garin de Monglane).
A la fin du XIIe, la Chanson de Guillaume est reprise
dans Chevalerie Vivien et Aliscans. Au cours du XIIIe
siècle: le Siège de Barbastre, Guibert d'Andrenas,
la Prise de Cordres.
- Le cycle de Charlemagne. L'ensemble se fixe entre la fin du XIIe
et le milieu du XIIIe. Le Pèlerinage de Charlemagne
(première moitié du XIIe), Mainet, Basin
(seconde moitié du XIIe siècle), Berte au grand
pied (id.), la Reine Sebile, Aquin, Otinel,
Guy de Bourgogne, Anséïs de Carthage, Aspremont
(fin XIIe).
- Le cycle des Lorrains. Garin le Lorrain (fin XIIe),
Gerbert de Metz (début XIIIe), Anséis
de Metz, Hervis de Metz.
- Le premier cycle de la croisade. La Chanson d'Antioche (fin XIIe),
la Chanson de Jérusalem, Enfances Godefroi.
- Le cycle des barons révoltés (ou de Doon de Mayence). La
Chanson de Gormond et Isembart (1085-1100), Girart de Roussillon
(seconde moitié du XIIe siècle), Raoul de Cambrai
(fin XIIe), Renaud de Montauban (fin XIIe),
la Chevalerie Ogier (vers 1220).
- Chansons d'aventure et de merveilles. Daurel et Beton (XIIe),
Huon de Bordeaux (1260).
- Chansons non classées. Ami et Amile, Floovent (fin
du XIIe).
Récit en vers, souvent composé par un poète anonyme (le trouveur), mettant en scène, sur un fond historique parfois ténu, des exploits (geste latin gesta, "actions", "hauts faits" en ancien français) de chevaliers de l'époque carolingienne (VIIIe-Xe siècles). Le récit est destiné à être chanté par un jongleur avec léger accompagnement musical (proche de la mélopée). La chanson de geste est constituée d'une succession de strophes de longueur inégale (de laisses) bâties sur une seule voyelle (assonance).
Elle est un genre avant tout social, proche du théâtre. Elle s'adresse à toutes les classes de la société, au peuple (le jongleur se produit dans les foires) comme aux nobles (dans les salles du château). Elle a pour but d'exalter des héros que leur nom rattache à l'histoire, dont la généalogie est fondatrice de la féodalité et de la suzeraineté. Elle s'est développée dans le contexte d'une société guerrière, fortement hiérarchisée et pourvue de valeurs sacrales, qui commence à prendre conscience d'elle-même et à se définir dans le culte de son propre passé.
G. Lote, Histoire du vers français, t.9, p.4 cite Louis Domairon, Poétique française, P., Deterville, 1804, p.382: "L'épopée est le récit poétique d'une action héroïque et merveilleuse. Le récit est ce qui la distingue de la tragédie et ce qu'elle a de commun avec l'histoire; le récit poétique, c'est-à-dire orné de fictions est ce qui la distingue de celle-ci; l'action héroïque est ce qui la distingue des petits poèmes et du roman, dont le fond est toujours une historiette ou une intrigue amoureuse. L'action merveilleuse est ce qui la caractérise essentiellement."
Origines. Diverses théories s'affrontent quant à
l'origine des chansons de geste:
1) Produit spontané de l'imagination populaire;
2) Elles dérivent de cantilènes à peu près
contemporaines des faits relatés (dont aucune n' aurait été
conservée?);
3) Elles sont des adaptations des épopées carolingiennes
(Waltharius, qui célèbre les exploits de Gautier d'Aquitaine,
De Bello Parisiacae, consacrée à la guerre contre
les Normands);
4) Elles furent créées dans les sanctuaires, par des clercs,
invités à rédiger par les autorités religieuses
et qui vont s'appuyer sur des documents ecclésiastiques. Elles sont
liées à des souvenir locaux, aux différents lieux
de passage ou d'étapes des pèlerins et orientées vers
une glorification du christianisme;
5) Elles s'inspirent de récits dépourvus de toute prétention
littéraire, échelonnés entre la date des faits relatés
et la rédaction des chansons;
6) Elles sont apparentées du point de vue de la forme et de la thématique
à la chanson de saint (constituée d'octo- et de décasyllabes).
Là serait l'origine de la laisse et du style formulaire: dans la
chanson de saint, le couplet régulier primitif se serait progressivement
développé en laisse sous la pression des besoins narratifs.
Le système épique de liaison des laisses ainsi que le système
des formules est en germe dans ce genre archaïque. La chanson de saint
fait une grande place aux thèmes chevaleresques; les chansons de
geste les plus anciennes sont dominées par des antithèses
à valeur religieuse (chrétien-païen) et illustrées
de motifs quasi hagiographiques: culte des reliques, représentation
de la mort au combat comme martyre (Zumthor 1972, p. 460).
Postérité. Le genre, dans son ensemble, procède
du modèle fourni par le Roland. Mais il y a une évolution:
Seconde moitié du XIIe siècle: constitution de
cycles, à partir des chansons primitives. Sans doute le chant fait-il
place à la lecture en milieu aristocratique. On enrichit la matière:
on fait appel aux ressources de la rhétorique, on développe
le merveilleux féérique aux dépens du merveilleux
chrétien, on fait place à une intrigue d'amour. La laisse
s'allonge et la longueur de la chanson augmente, la rime remplace souvent
l'assonance, on utilise l'alexandrin, puis l'octosyllabe.
- Fin du XIIe siècle: remaniements importants. On récrit
les vieux poèmes. Adenet le Roi recompose en alexandrins Berte
au grand pied et en décasyllabes les Enfances d'Ogier.
L'influence du roman d'aventures et du conte folklorique est sensible dès
la fin du XIIe.
-Le genre décline après 1250. Dans les chansons composées
après cette date par Adenet le Roi, les jeux mondains occupent le
devant de la scène. Dès avant 1300, la prouesse a reculé
devant d'autres motifs narratifs, empruntés au roman, et, à
la laisse près, les différences avec le roman s'estompent.
- XIVe siècle: remaniement des chansons existantes.
Les poèmes grandissent. Certains poèmes renouvellent la matière
en la réorganisant autour de personnages non encore utilisés
(Hugues Capet et Charles le Chauve, l'une des toutes dernières
chansons de geste). Certains auteurs abandonnent la forme épique,
adoptent un style plus libre, romanesque (Girard d'Amiens, vers 1300, dans
son Roman de Charlemagne, exploite plusieurs chansons).
- Adaptations ou utilisations en langue étrangère: en Italie
septentrionale, de la fin du XIIIe siècle jusqu'au début
du XVe, certaines chansons françaises, dont le Roland
et Aliscans, furent transposées dans une langue hybride,
le "franco-italien". Compilation des Reali di Francia
d'Andréa da Barberino, qui fournira la plupart de ses thèmes
au théâtre de marionnettes romain, napolitain et sicilien
du XIXe siècle.
- D'autres chansons italiennes, moins proches de leurs modèles,
sont des créations. D'autres encore, tout en conservant la forme
épique française, sont des oeuvres originales: l'Entrée
en Espagne, de la fin du XIIIe siècle, due à
un poète padouan, puis la Prise de Pampelune, vers 1330,
par Nicolas de Vérone. Ces deux chansons ont été réutilisées
par plusieurs poètes italiens du XIVe siècle et
sont à l'origine des poèmes de Boiardo et de l'Arioste.
- XVe siècle. L'épopée française
est éteinte. Les princes demandent à leurs hommes de lettres
de rajeunir en prose quelques chansons: David Aubert offre au duc de Bourgogne
ses Cronicques et conquestes de Charlemagne. Ces mises en prose
seront la source de nombreux romans français et étrangers
des XVe et XVIe siècles, et de toute une littérature
populaire qui, jusqu'au XVIIIe siècle circulera sous
la forme de livres de colportage dans plusieurs régions d'Europe.
AUERBACH, Erich, Roland à la tête de l'arrière-garde,
in Mimésis, Gallimard, 1968, p. 106-132.
PERNOUD, Régine, La littérature médiévale,
in Histoire des littératures, III, Gallimard, Pléiade,
1977, p. 3-161 (et plus spécialement p. 14-24).
RYCHNER, Jean, la Chanson de geste. Essai sur l'art épique des
jongleurs, Droz, 1955.
SUARD, François, Chansons de geste, in Dictionnaire universel
des littératures, PUF, 1994.
ZUMTHOR, Paul, Histoire littéraire de la France médiévale,
PUF, 1954, § 182-4, 186, 189, 276, 310-3.
ZUMTHOR, Paul, Essai de poétique médiévale,
Le Seuil, 1972.
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